dimanche, avril 17, 2011

La constitution au Hammam

Je n’arrête pas de me poser la question : « qu’est ce que je veux de cette nouvelle constitution qu’on est sensé, tous, en tant que citoyens,  concevoir, penser et apprivoiser d’une manière ou d’une autre ? »

Ce n’est point tâche aisée, vous en convenez. 

La question de ‘moi et la constitution’ s’est imposée d’elle-même, mais le moi est tout aussi insaisissable. J’ai donc décidé de poser, à d’autres, la question « que voulez vous de cette constitution ?»

J’ai posé la question à quelques femmes, celles du Hammam qui ont pendant longtemps bercé mon imagination, et qui peut être détiennent en partie la réponse à mes tourments…

Kenza, une femme violentée, violée, ainsi que sa fille, par un mari hargneux et incestueux. Elle pense  le tuer de ses propres mains chaque jour que dieu fait. L’empêchent, peut être, le manque de courage, mais aussi et surtout l’absurdité de l’acte. L’empêche, aussi, de franchir le point de non retour, l’espoir…

« …Je baisserai la tête, ravalerai ces larmes de révolte qui ne coulent jamais, prendrais les garçons par la main et m’éclipserais pendant une heure. 

En rentrant, le malotru aura apaisé ses instincts. Lamia serait morte encore une fois. Moi, nourrie à la cuillère de la haine encore une fois…» 

Kenza, que veux-tu de la constitution ? 

Je veux une justice digne et ferme, qui puisse enfin me rendre ma dignité de mère et de femme. 

Je veux un avenir à ma fille et mes deux fils, car si je fini par le tuer, comme m’en prend l’envie tous les jours, ils n’en auront aucune garantie d’éducation, aucun avenir. 

Je veux des structures qui puissent les prendre en charge. Notre société, en manque d’éducation et de tolérance, ne lésinera pas sur les afflictions. Elle les stigmatisera et leur fera payer les crimes de leurs parents.  

Amal, a vécu une tragédie, quand sa fille Aya a été diagnostiquée avec une tumeur au cerveau. L’annonce faite par le médecin est tombée comme une sentence. Le traitement pouvait exister ailleurs, avec d’autres moyens, mais là où elles se trouvaient, l’espérance de vie ne dépassait pas les 6 mois. Aya est morte, et Amal a survécu car elle continue à croire en la vie…

« …Aujourd’hui encore quand je me retourne dans mon lit à la recherche du sommeil, devenu depuis des années fuyant, je revis mes cauchemars d’antan, je me rappelle son sourire effacé, ses efforts monstres pour rire, bouger un doit, remuer la tête, me tendre ses bras… »

Amal, que veux-tu de la constitution ?

Je veux un système de santé qui puisse me garantir et à mes enfants, les meilleurs soins. 

Je crois en Dieu et son bon vouloir, mais un soin, un traitement qui est disponible pour une autre fillette de l’âge de Aya, dans un autre pays, devrait, dans l’idéal, être disponible pour ma fille, et je suis idéaliste. 

Je veux une égalité des chances, dans la santé, dans le droit à vivre.  

Latifa, a elle aussi, comme beaucoup de mères, perdu un fils dans les cachots de ses geôliers. Elle en a souffert, longuement, lentement, mais avait fini par faire son deuil, avec autant de lucidité que de foi. La foi dans une liberté qui finira par vaincre…

« …Je ne crois pas à leurs slogans de réconciliations. Si l’on se permet de fouiner dans les tombeaux c’est surtout pour soulager les consciences de ceux qui n’ont pas souffert. On leur donne la chance de verser quelques larmes par mansuétude, pour se croire enfin quittes vis à vis des morts, des suppliciés et des mères orphelines…

Il n’a jamais été question de payer pour le choix des autres, c’est ce qu’il faudrait que je leur dise. La liberté et la vie ne se servent pas sur un plat d’argent, elles s’arrachent, se disputent et se perdent chemin faisant. Elles ne sont jamais regrettées, jamais exhibées nues devant de jeunes yeux ébahis. Certes, ils ont le droit de savoir, mais surtout pas de compatir…. »

Latifa, que veux-tu de la constitution ?

Je veux que les enfants de mon pays puissent enfin parler en totale liberté, sans que leurs mères aient à les pleurer, à en devenir orphelines. 

Je veux que les tortionnaires soient enfin, réellement jugés, dans la dignité, celle des morts et disparus, mais aussi celle des enfants de ceux qui ont supplicié. Je veux qu’ils aient enfin conscience de la valeur de cette liberté dont ils se sont joués sans impunité. 

Je veux surtout qu’on prenne, tous, conscience enfin, que le passé n’était fait que pour l’avenir. Qu’il faut désormais construire, avec dans la conscience et le souvenir collectif, ceux qui ont tout sacrifié pour nous. 

Fatima, a découvert l’amour, son corps de femme, les sentiments et les frémissements, à la chaleur et aux caresses intimes de sa cousine. A vingt ans, la cousine, celle par qui elle avait découvert son homosexualité,  accepte de se marier, pour les conventions.  Fatima se perd, à la recherche de son identité dérobée…

« ...Je ne peux plus me taire, la regarder se préparer avec agitation pour ce qui, j’en suis convaincue, sera l’enterrement de notre connivence secrète et sincère, la naissance d’une vie hypocrite où l’une devra honorer son devoir de femme mariée, et l’autre se perdre à tout jamais dans les tumultueux contrastes de la vie. 

Peut être devrais-je partir à mon tour? Mais partir où, et pourquoi faire ? Me refaire une autre vie ailleurs ? Essayer de me forger une nouvelle identité et aimer de nouveau ?... »

Fatima, que veux-tu de la constitution ?

Je veux être libre d’aimer comme je le conçois moi, non comme me l’impose ma société et ses conventions. 

Je veux retrouver mon identité propre, la construire de mes mains et être libre de mes choix. 

Je veux une véritable éducation de tolérance et de respect pour mes concitoyens, pour qu’ils puissent réellement comprendre ma différence, l’accepter, et fair jaillir à travers elle, le meilleur de moi…

Je veux un pays où chaque citoyenne puisse vivre dans le respect des autres et le libre arbitre à la fois. Un individu dont la liberté propre est respectée,  est un individu qui respectera celle des autres.  

Hourya, dont le mari, désespéré, avait décidé d’émigrer en Europe, comme beaucoup d’autres. Il avait promis de revenir au plus tôt, dès qu’il aurait trouvé un travail, réglé sa situation, pour la ramener vers l’autre rive, avec lui. Il ne revint jamais. Elle a dû se démener pour élever seules ses enfants, en attendant de retrouver ce mari perdu, ou sa dépouille… 

«  …Je lui ai dit « viens, on va prendre un crédit, on achètera un kiosque et on vendra des journaux » « mes compatriotes ne lisent plus, mon cousin avait perdu sa terre dans une affaire de kiosque à journaux »

Je lui ai dit « viens, on va frapper à toutes les portes, un jour ou l’autre on trouvera quelqu’un qui veuille bien jeter un coup d’œil sur nos diplômes » « on ne regarde plus les diplômes depuis longtemps, mon nom n’est pas assez connu pour être mis devant un employeur »… »

Hourya, que veux-tu de la constitution ?

Je veux une égalité des chances : Etre égale aux autres dans mes chances à trouver un travail, à pourvoir aux besoins de ma famille, à nourrir, soigner et éduquer mes enfants.

Je veux épargner à mes enfants le sort de leur père. Je veux qu’on arrête cette hémorragie qui fait que chaque jour des dizaines meurent noyés à la recherche d’un eldorado qu’ils ne trouveront jamais. 

Je veux vivre dans la dignité, sans avoir à la payer de ma chair ! 
 

1 comments:

Anonyme a dit…

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Je vous remercie.

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