dimanche, décembre 11, 2011

L’Espace public contre la peur de l’ « Islamiste »



Il aurait suffit que le parti à référentiel islamique, le PJD, rafle 107 sièges aux élections législatives, se positionnant ainsi comme tenant les clés du futur gouvernement, que la paranoïa étende elle aussi son emprise et rafle encore plus de voix dans l’irrationnel ambiant.

Cette paranoïa s’inspire principalement de la culture très complexe des marocains, de leurs rapports à la religion d’un côté et de leur mode de vie quotidien assez détaché de cette même religion.

Il va sans dire que les marocains dans leur majorité écrasante sont conservateurs, mais plus culturellement que religieusement. La religion a une place prépondérante certes dans l’inconscient collectif, mais les préjugés sociétaux et potentiellement le joug de la société en général, portent plus et le plus souvent sur le comportement culturel que sur la pratique ou pas de la religion.

Pour apprécier ce fait, il suffit de se demander « Combien de pères réprimandent leurs filles pour le fait de délaisser la prière et combien le font quand elles portent une mini-jupe ? »

Culturellement aussi, et non religieusement, on condamne l’irréligieux : Consommer de l’alcool est toléré tant qu’on n’y expose pas l’autre d’une manière qui touche à ses convictions ou à ses propres libertés.


Cet état de fait constitue un consensus culturel et sociétal largement adopté par les marocains. Tant qu’on est culturellement en adéquation avec le groupe, la religion reste une affaire privée.

Qu’est ce qui change donc depuis l’accès du PJD au pouvoir ? On a peur que la composante religieuse prenne le dessus sur les consensus culturel et devienne ainsi plus contraignante vis-à-vis des libertés individuelles ? Peur légitime mais la peur ne justifie en aucun cas la paranoïa.

Un parti à référentiel islamique gouvernant le pays, ne change que peu ou prou la donne par rapport à un gouvernement Istiqlalien conservateur. Ajouter une petite dose, mais on se pose toujours la question « laquelle ? », de conservatisme religieux à celui culturel, est dans la progression naturelle de la société telle qu’elle a été façonnée depuis l’indépendance.

D’une part le religieux est instrumentalisé par l’état comme un facteur d’unité et surtout de légitimité de la monarchie qui, avouons le, reste très intelligente et habile sur ce domaine. Constitutionnellement, elle en a un jour pris le monopole et depuis ne le lâche pas.
Articles 41.


Le Roi, Amir Al Mouminine, veille au respect de l'Islam. Il est le Garant du libre exercice des cultes. Il préside le Conseil supérieur des Oulémas, chargé de l'étude des questions qu'Il lui soumet. Le Conseil est la seule instance habilitée à prononcer les consultations religieuses (Fatwas) officiellement agréées, sur les questions dont il est saisi et ce, sur la base des principes, préceptes et desseins tolérants de l'Islam. Les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement du Conseil sont fixées par dahir.
Le Roi exerce par dahirs les prérogatives religieuses inhérentes à l'institution d'Imarat Al Mouminine qui Lui sont conférées de manière exclusive par le présent article.

Et d’autre part les forces politiques progressistes se sont tellement effritées, que le progressisme culturel a disparu des agendas ; le combat est purement politique, voire électoral, depuis des décennies.
Il est donc naturel qu’on continue notre marche tranquille vers plus de conservatisme. Rien qui justifie la paranoïa !

Le PJD est-il une menace pour les libertés individuelle ?

Avant de répondre à cette question, il est de mise de s’en poser une autre, tout à fait différente : L’Islam, est-il religion ou une vie culturelle et sociale, ou l’agrégation des deux ?

Si on accepte que l’Islam est purement religion – culte, alors la question n’a même pas lieu de se poser. Le PJD n’y peut rien car le Roi en a le monopole. Là encore il y a beaucoup à dire, mais ce n’est pas le propos.

Si on adhère à la définition prédominante dans notre société qui veut que la religion est à la fois culte et organisation de la vie sociale, alors là c’est un autre raisonnement et surtout un autre débat. Celui de l’Espace Public !

Voici ce que nous dit la constitution : 
 Article 6 :
La loi est l'expression suprême de la volonté de la nation. Tous, personnes physiques ou morales, y compris les pouvoirs publics, sont égaux devant elle et tenus de s'y soumettre. Les pouvoirs publics œuvrent à la création des conditions permettant de généraliser l'effectivité de la liberté et de l'égalité des citoyennes et des citoyens, ainsi que de leur participation à la vie politique, économique, culturelle et sociale.
Les pouvoir publics, et donc les institutions de l’état, les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, sont les garants de l’organisation de la vie culturelle et sociale, et agissent, dans le cadre de la loi, sur les libertés individuelles.

Cependant, L'autorité des pouvoirs publics, dans une démocratie (rappelons que le choix démocratique est suprême dans cette même constitution dont découlent les élections et le futur gouvernement PJD) ne peut exister que d’une manière relative. Elle s’arrête au commencement de la liberté individuelle.

Les libertés individuelles étant également relatives et opérant de la même manière, il est primordial de définir le point de commencement de tout débat, qui n’est autre que la ligne séparant Pouvoirs publics et Libertés individuelles. Les pouvoirs publics s’ils dépassent cette ligne de démarcation tomberont forcément dans la tyrannie.

Par où commencer ? 

Aujourd’hui et plus que jamais, les marocains devront se pencher sur la question de libertés individuelles d’une manière sereine et tolérante. La tolérance dans sa définition inclusive d’écoute et de compréhension et non pas exclusive d’acceptation magnanime de l’autre jusqu’à ne plus pouvoir l’accepter.

Réinvestir l’espace public longtemps délaissé jusqu’à en devenir absent, est l’étape immédiate pour créer le débat et vaincre cette paranoïa ravageuse qui n’a de conséquence que l’affaiblissement du rationnel contre un émotionnel qui prend de plus en plus d’ampleur.

« Réinvestir » est peut être un terme trop généreux dans notre contexte, il est très probablement plus convenable de parler de « créer » l’espace public tel qu’introduit dans les sciences sociales par Habermas en 1962 : « le processus au cours duquel le public constitué d'individus faisant usage de leur raison s'approprie la sphère publique contrôlée par l'autorité et la transforme en une sphère où la critique s'exerce contre le pouvoir de l'État. » L'espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise (1962).

Critiquer le pouvoir de l’Etat c’est d’abord définir les prérogatives de celui-ci et s’assurer que la liberté de l’individu- citoyen, reste le facteur prédominant et fondamental de toute décision collective ou loi introduite par les pouvoirs publics.

Il est donc essentiel d’adopter une démarche participative, publique et rationnelle, se basant sur la délibération au sein de l’espace public pour se délester du poids de la paranoïa, de la peur irrationnelle, et avancer vers le choix démocratique.

Si on y arrive, on peut alors poser sereinement la question…

Le PJD est-il une menace pour les libertés individuelle - bis ?

Le PJD est l’aubaine, la chance inouïe qu’ont les marocains aujourd’hui pour repenser leur modèle de société et agir en conséquence. Si la marche vers le conservatisme bénéficie d’une accélération PJD, celle du progressisme, à reculons, peut au pire s’arrêter, au mieux avancer, droit devant cette fois, avec un nouveau souffle, un objectif clair et peut être bien une bien meilleure vitesse.

Mais ceci ne peut se faire que si les forces progressistes repositionnent le débat non plus sur un plan législatif, car on en est pas encore la, mais sur définition d’abord de la ligne de séparation entre autorité publique et libertés individuelles, pour clarifier ainsi les prérogatives du pouvoir exécutif, le gouvernement PJD en l’occurrence, dans la gestion de la vie sociale et culturelle.

Les progressistes doivent impérativement participer à créer cet « espace public » qui veut aujourd’hui émerger mais n’arrive pas à trouver forme ou base consensuelle de débat : Les uns veulent la dignité, d’autres la prospérité, et certains les libertés individuelles…on oublie que le tout est : Liberté !

samedi, novembre 19, 2011

Votez citoyennes...

Quand je serais grande, je voudrais être parlementaire…

Parce qu’étant une femme qui a reçu une éducation et milité pour sa propre indépendance économique et sa liberté de pensée, je voudrais participer à bâtir un monde, un pays, où beaucoup d’autres femmes puissent bénéficier de la même chance…que dis-je, du même droit ! 

Parce que surtout, j’ai la conviction qu’une approche genre réelle sur le plan législatif plus particulièrement et à travers les différents niveaux de prise de décision (local, régional, national) en général, est un pré-requis pour une stratégie globale de l’intégration de la femme dans la société. 

L’intégration est bien le mot. On ne parlera ni d’émancipation, ni d’épanouissement. Il s’agit bien d’intégration pure et dure.  D’abord celle de la perception de la femme comme un être à part entière, se suffisant à et de lui-même, indépendant et mature, ensuite son intégration comme élément indispensable à toute société, groupe et individu. 

Une intégration culturelle, sexuelle, économique et politique, telle serait la vraie démarche à promouvoir et à considérer, si on veut réellement être, de part ses hommes et ses femmes, une société complémentaire, égalitaire, sereine face à un avenir incertain. 

Mais par ou commencer ? Au Maroc on en a fait le tour : combattre la discrimination a travers moult conventions internationales signées et ratifiées dans toutes leurs versions, promulguer des lois sensibles au genre, à la veille de chaque législative pour faire savoir à la citoyenne surtout qu’on pense à elle, ériger un ministère s’occupant de la femme  et qui met dans son programme ministériel tout ce que la convention de Pékin a promu comme recommandations, aider ici et là quelques associations de la société civile en octroyant une aide morale et des inaugurations pompeuses, …et j’en passe ! 

On a fait un progrès énorme, il faut l’avouer. 

D’ailleurs, pour remercier de Maroc de tous ces efforts et ces engagements faits pour sa tendre moitié, le PNUD nous gratifie d’une position glorieuse parmi les nations : 104ème au classement de l’inégalité du genre avec un indicateur qui nous situe également parmi les cancres du développent humain.
C’est que les chiffres ne mentent que peu ou prou…

L’indice PNUD de l’Inégalité du Genre (IIG) est de 51% (plus il est grand plus l’inégalité est importante). Mais les chiffres ne sont pas ma tasse de thé, j’aime mieux les images*.




Après les images je vous invite également à voir cet indicateur de plus près. 

Les indicateurs annexes de l’IIG qui rentre dans son calcul global : 

Indicateur
Valeur
0.553 
15.1
0.327
0.510
0.072
110

Il faut bien avouer que nos taux d’éducation ou d’activité ne sont pas des plus bas, et pourtant un chiffre fait tilt : Celui de la représentation féminine au parlement. 

Quand on regarde la progression de l’IIG au Maroc sur les 16 dernières années, on  peut être tenté par applaudir la progression annuelle moyenne de 1,09%, mais c’est là que les chiffres mentent : la plus grande progression sur notre IIG s’est faite entre 2000 et 2005, un 14,4% magique qui s’est réduit à une minable progression de 2,12% entre 2008 et 2011. 

Vous voulez un indice sur la calomnie ? En 2002 on a fait un pas de géant : enfin des femmes au parlement !
Mais au-delà des chiffres (et là on peut s’amuser davantage et se leurrer encore plus), il reste l’incohérence, de notre vécu, de ce qu’on peut voir et palper, de ce qu’on nous sert en discours officiels. 

On crée ici et là des hautes instances, des feuilles de route et des agendas Gouvernementaux de l’Egalité. On demande à sa majesté son haut patronage pour faire plus sérieux, on chope une tribune aux nations unis pour vendre notre bonne volonté…

On nous leurre avec une égalité de surface et une parité chimérique. On nous promet constitutionnellement un droit qui n’a plus besoin d’être argumenté, on nous le marine dans un quota parlementaire et une loi sur les partis de pacotille, on l’orne avec la cerise du discours partisan égalitaire et on fini par nous servir le tout avec un arrière gout amer d’un 3,75% de femmes en têtes de liste…

Votez citoyennes, les citoyens  qui comptent vous gouverner, ont maintenant la conscience tranquille. 

*  biaisées par ma propre vision du monde, cela va sans dire ! Par ailleurs, d’autres images qui peuvent accommoder certains ou choquer d’autres…ne demandent qu’à être dépoussiérées.

jeudi, juillet 28, 2011

Associations féminines tunisiennes et élections – 2


Dans mon post « Associations féminines tunisiennes et élections – 1 »  j’avais évoqué l’implication des associations féminines dans le monitoring des média pendant la compagne pour les élections constituantes en Tunisie. Cas intéressant pour plusieurs raisons, mais principalement, me concernant en tout cas, pour le fait qu’elles s’engagent dans une action citoyenne ne couvrant pas seulement la question du genre, mais s’étendant à une implication effective de la société civile dans des élections libres et transparentes, en commençant par la compagne elle-même. De la citoyenneté tout simplement. 

Dans ce billet, il s’agirait d’un autre axe : le genre et les élections. Il est donc question de l’implication des femmes dans les élections constituantes et des revendications des féministes tunisiennes. 

Il est d’abord intéressant de comprendre le background de ces revendications. Le point de départ ici est la loi électorale préparée par la Commission de la Réforme Politique en vue d’organiser des élections de l’assemblée constituante suite à la chute du Président / Dictateur Ben Ali. 

Cette loi a prévu la candidature par listes en désignant les élus d’après le système proportionnel des listes avec le plus grand reste.  Il est également établit que sur chaque liste il y alternance hommes femmes.  

A noter ici, que sous le régime de dictature de Ben Ali, les sièges réservés aux femmes étaient de 25%. Cette nouvelle loi électorale ne prévoit pas de quota pour les femmes. 

Il est vrai que cette loi avait suscité beaucoup de questionnements et de contestations,  principalement sur l’alternance hommes femmes et sa légitimité légale, mais elle a tout de même fini par être adoptée et de ce fait constitue d’emblée une première réussite pour les féministes et un autre challenge pour de nouvelles revendications.

Dans ce contexte, L’ATFD (Association Tunisienne des Femmes Démocrates) a notamment soumis à l’ISIE (Instance Supérieure Indépendante pour les Election) un Mémorandum (Mémorandum de l’ATFD sur la participation des femmes au processus électoral) contenant des revendications et questionnements relatifs à la mise en pratique de la loi électorale. 

Il s’agit principalement de remettre en question la représentativité « qualitative » des femmes dans les listes, au lieu de se limiter à une parité quantitative garantie, mais aussi de répondre aux détracteurs de cette parité. En l’occurrence ceux qui arguent « la discrimination sur la base du sexe » (point qui pourrait être valide si on considère la question de la compétence avec une vision globalisée dont le point de départ serait le militantisme au sein même du parti) pour réfuter la parité et l’alternance hommes femmes.  

Le mémorandum évoque ainsi la question de légitimité de la parité en se basant sur les accords CEDAW auxquelles la Tunisie a adhéré, mais aussi pour aller plus loin, il revient sur des revendications claires quant à la mise en pratique.

En voici quelques exemples.

 La liste est non exhaustive mais  à mon sens reprend les revendications les plus intéressantes, vu qu’elles touchent directement le volet éducationnel et aussi culturel, plus que celui légal. 

Le mot d’ordre de ce Mémorandum est « Adopter une approche thématique multidimensionnelle concernant la participation des femmes » ; dans le sens ou cette participation n’est pas réduite à la parité dans les listes mais doit  être effective : 

  • Durant  les phases préliminaires de l’inscription : prendre notamment en considération les difficultés des électrices liées à l’utilisation des cartes nationales, lieu de résidence, etc   
  • Durant la compagne et la mobilisation : L’ATFD appelle à une compagne civique où l’image de la femme ne doit pas être marginalisée par un quelconque stéréotype culturel, mais insiste également sur un réel engagement partisan à faire valoir une culture égalitaire au sein même des partis.
  •  Au niveau de l’administration électorale et mode du scrutin : présence effective des femmes dans l’administration électorale (là aussi on exhorte à adopter la parité) ainsi que le cas des analphabètes qui peuvent voter par délégation à un membre de la famille, ce qui constitue un risque de détournement de l’intention de vote, surtout pour les femmes. 
Je trouve le cas tunisiens intéressant dans le sens où cette constituante ne prévoit pas des sièges réservés aux femmes comme il est d’usage au Maroc par exemple, mais instaure d’emblée une égalité des chances. 

La mise en pratique et l’effectivité de cette égalité, commençant  ici par la parité, nécessite certes plus d’engagement de la société civile et du citoyen, pour un changement radical de paradigme concernant la question féminine. Il n’est pas question ici d’adopter une discrimination positive à mon sens, même si certains pensent que les listes paritaires font d’emblée une discrimination préliminaire, mais il est surtout question de commencer par une chance égale, légalement (la loi électorale) et civiquement (la compagne et le combat de la société civile pour la culture de la diversité), pour aboutir à une élection réellement équitable, se basant sur la compétence de chacun, homme ou femme, et sa capacité à mobiliser les électeurs. 

La diversité du genre ici prend son réel sens. Elle se fait dans l’inclusion et la préparation culturelle pour faire en sorte que la femme puisse démontrer par ses performances propres si elle est capable de gouverner, par une réelle présence sur le terrain en face des hommes, mais aussi  et surtout en partenariat avec eux. 

Les tunisiennes sont entrain de dire au monde : « ne nous donnez pas des sièges en offrandes, nous somme capables de nous faire élire, pourvu que le terrain est ouvert d’une manière égalitariste à tous ! »

Bon vent !

mardi, juillet 26, 2011

Ilham Hasnouni, l’arbitraire de la justice





Ilham Hasnouni est une jeune femme marocaine de 21 ans, un âge où plusieurs de ses concitoyennes concentrent leurs vies autour de projets strictement personnels, des ambitions individualistes et peut être même des vétilles. 

Elle a choisi le combat pour la dignité et la liberté. Militante politique (communiste) et membre de l’UNEM (Union Nationale des Etudiants Marocains), elle faisait parti du groupe  (connu principalement comme groupe de Zahra Boudkour) qui a protesté en Mai 2008 à l’université de Marrakech suite à une intoxication alimentaire. 

Interpelée, ou plutôt kidnappée, sans mandat d’arrestation,  de devant chez elle en Octobre 2010 par des policiers en civile, elle croupit depuis en prison sans pouvoir être jugée. Son « crime » ? Vous l’auriez deviné, des chefs d’inculpation burlesques (destruction de biens de l’Etat, participation à un rassemblement non autorisé, humiliation d’un fonctionnaire pendant l’exercice de ses fonctions, l’utilisation de la force et participation à un groupement armé…), de ceux dont les marocains ont souffert pendant plusieurs décennies. Des incriminations que l’arbitraire de la justice marocaine continue à concrétiser, malgré les avancées célébrées de la nouvelle constitution en matière de droits de l’Homme et surtout malgré une histoire chargée en douleur, que le pays a longtemps essayé de dépasser, sans jamais faire un pas en avant et deux en arrière.

Ilham a besoin de la solidarité de tous les marocains, mais aussi de celle de l’opinion publique et des organisations internationales. Elle a surtout besoin que justice soit faite, ou du moins prononcée. 

Rappelons qu’Ilham n’a toujours pas eu droit à un jugement. La séance est reportée à chaque fois (5 au total), et la jeune fille, traitée comme une criminelle, perd petit à petit espoir.  Le dernier report est fait pour le 2 Aout, alors que la séance devait se tenir aujourd’hui même. 

Pour la dignité de l’Humain, pour ce droit qu’on a tous à une justice équitable, exprimez aujourd’hui votre solidarité avec Ilham Hasnouni :
  1.  Signez la pétition
  2. Mettez sa photo sur vos avatars twitter et Facebook
  3. Relayez l’information sur son cas, au moins une fois par jour et écrivez sur son affaire si vous en avez l’occasion.
  4. Et surtout, gardez là dans vos pensées car, rien aujourd’hui, ne nous met à l’abri de l’arbitraire !
Quelques articles qui ont relayé l’affaire Ilham Hasnouni : 



La FSE Liberté pour Ilham Hasnouni et ses camarades !

Pour la libération de Ilham Hasnouni

Ilham Hasnouni, plus jeune détenue politique au Maroc

Associations Féminines tunisiennes et élections – 1

J’ai assisté hier à Tunis à une conférence de presse organisé par un ensemble d’associations féministes, dont la l’ATFD (Association Tunisienne des Femmes Démocrates).

Il s’agissait de lancer officiellement le projet de monitoring des médias durant les élections constituantes prévues en octobre.

Le projet consiste à monitorer, avec deux approches, qualitative et quantitative, les médias : presse écrite, radios, télévisions, publics et privés, d’expression arabe et françaises, ainsi que les réseaux sociaux qui feront l’objet d’une analyse qualitative uniquement.

Ce qui est intriguant est que ces associations féminines, ne se penchent pas sur la seule question, on a tendance à le croire en tout cas, de la question féminine. Elles couvrent tous les acteurs politiques en incluant les femmes. Une démarche totalement inclusive, louable.

Sur d’autres aspects, le projet est soutenu par l’IMS (International Media Support) et encadré sur le plan méthodologique par l’AWG- MM (Arabe Working Group for Media Monitoring) et par l’Osservatoria de Pavia, institut de recherche et d’analyse de la communication. Le monitoring sera réalisé par des étudiants qui seront formés par les instituts plus hauts. Le cas est intéressant dans le sens ou c’est créateur d’emploi et surtout une implication directe de 35 étudiant dans une démarche citoyenne, qui leur permettra à la fois de comprendre les enjeux et l’échiquier politiques, de par la nature même du travail qu’ils auront à faire, mais aussi qui les responsabilisera encore plus par rapport au future de leur pays.

Il est aussi intéressant d’ajouter que le monitoring ne se fera pas seulement « durant » la compagne officielle, mais avant (ça commence aujourd’hui même le 25 Juillet) et après les élections. Une manière de s’assurer que les médias s’engagent dans une démarche responsable et déontologique avant même d’être régi par la loi électorale durant la compagne officielle. Aussi, à chaque étape, ‘avant’, ‘pendant’ et ‘après’ élections, deux rapports sont prévus, un premier, intérimaire au milieu de la période et un deuxième final.

L’impact ici des médias sur l’opinion publique est mesuré à sa juste valeur. On comprendra aussi la conscience générale, qu’a le tissu associatif tunisien, de l’importance d’accompagner les médias dans leur « apprentissage de la liberté » après la chute de la dictature.

Le cas de ce projet n’est pas isolé puisque plusieurs associations tunisiennes lancent des projets similaires. L’ISIE (Instance Supérieure Indépendante pour les Élections) de par sa mission officielle, monitor également les médias durant la compagne électorale en spécifiant les règles de couverture médiatiques. Selon Larbi Chouikha, présent à la conférence de presse, des lois régissant la couverture seront publiés dans les prochains jours, avec potentiellement une loi interdisant la publicité politique, qui constitue une manne publicitaire actuellement pour les journaux non partisans principalement.

Tout ceci n’est pas « exceptionnel » on soi, c’est du bon sens, un travail sérieux qui prend très au sérieux des élections cruciales pour le future du pays. Ce qui est admirable est la dynamique ambiante qui fait que plusieurs acteurs se penchent sur la même question, en coordination, en concertation et surtout dans une démarche complémentariste.

Ces associations tunisiennes prennent en main des projets que d’autres, sous d’autres cieux, laissent à l’Etat le soin de faire, au risque de revenir plus tard, beaucoup trop tard, pour réclamer des insuffisances, des erreurs et des dépassements.

Il est aussi intéressant de savoir que ceci n’est pas la première expérience de monitoring pour ces associations. Elles ont fait de même en 2004 et 2009 en prenant des risques énormes touchant à l’intégrité physique de leurs membres.

Un extrait de leur rapport de monitoring des élections présidentielles de 2009, relève l’audace dont elles font preuve dans un environnement, on le sait tous maintenant, mafieux, caractérisé par la prédation du clan Leila Trabelsi : « Ce qui est frappant aussi c’est la distinction nette que l’on observe entre l’espace médiatique consacré à Mme Leila Ben Ali et celui alloué aux autres candidats aux présidentielles par la presse et tous les autres médias. Toutes les manifestations publique de l’épouse du président sortant ont fait la Une des journaux et diffusés en prime time dans les médias audiovisuels ».

C’est dire que même sous le régime le plus autoritaire, la démarche citoyenne de « contrôle » est une responsabilité, un devoir que chacun devrait assumer, à commencer par la société civile…

Pour conclure, un appel : « Féministes du Maroc, vous qui êtes reconnues par ces mêmes tunisiennes comme des pionnières en Afrique et dans le monde Arabe, vous allez faire quoi pour les prochaines élections législatives, après ce grand fiasco médiatique qu’était la compagne référendaire ? »

NB: Dans mon prochain billet (Associations Féministes tunisiennes et élections – 2), une revue des revendications des associations féminines transmises à l’ISIE concernant la participation des femmes aux élections constituantes.

samedi, juillet 23, 2011

تونس ايا خضرا...


Premier jour en Tunisie et une première discussion avec un tunisien, le chauffeur du taxi…

Comment ça se passe après le départ de Benali ? 

On respire enfin. Les gens retrouvent l’espoir et l’envie de travailler pour ce pays.
Malheureusement on en pâtit économiquement, le tourisme notamment se porte mal et la situation politique n’est pas encore stable. 

Mais de toute manière les changements se feront progressivement, non ?
Le changement, dans le sens où des institutions démocratiques verront le jour et le pays connaitra une stabilité politique prendront au moins 3 ans. Les tunisiens ne sont pas dupes, ils le savent très bien et ils continuent leur engagement pour une véritable démocratie. 

D’un autre côté, les pratiques d’antan, la corruption, le harcèlement policier,  continuent en quelque sorte. Ce n’est pas évident d’éradiquer une manière d’être et de vivre du jour au lendemain. On aura besoin d’une ou de deux générations pour un changement de mentalités, pour une société qui vit dans un état de droit, sans les pratiques enracinées de corruption. 

En attendant, il faut qu’on reprenne notre lancée économique. Le tourisme a énormément souffert cette année, même si en ce mois de juillet les touristes commencent à affluer d’une manière intéressante. On pense que la reprise du tourisme se fera naturellement dès l’année prochaine. 

Que pensent les tunisiens  des élections constituantes ?

Les gens sont perdus entres les 100 partis que nous avons aujourd’hui.  Dans les médias tunisiens ces partis déclarent tous les mêmes objectifs et programmes, du coup on ne sait plus où donner de la tête.
Il faut qu’ils déclarent leurs véritables stratégies, leurs programmes et visions pour ce pays pour que le citoyen soit capable enfin de choisir. Quand ils nous servent tous le message : «  on est modéré, on ne veut que le bien de ce pays », on comprend qu’ils veulent simplement peser sur les urnes. On ne fait donc pas confiance. 

Mais le multipartisme est lui-même symbole d’une rupture avec l’ancien régime du parti unique, le RCD, n’est ce pas ?

En effet, cependant ces partis qui ne se distinguent pas les uns des autres, ne nous avancent  en rien non plus. On sait aussi que les anciens du RDC peuvent se dissimuler sous d’autres bannières politiques.
On ne peut les identifier, ni les juger tous. Comment juger trois millions de personnes, dont beaucoup étaient très influents, très corrompus mais travaillaient discrètement ?

Quel est le sentiment des tunisiens par rapport à Annahda ? 

Annahda a beaucoup de sympathisants mais les tunisiens restent sur leur garde. Les dirigeants d’Annahda se disent modérés mais nous voulons des garanties sur leur projet pour le pays. 

Il est impératif pour la Tunisie d’avoir une séparation réelle entre le religieux et le politique. Si Annahda s’engage pour une laïcité comme la Turquie à ce moment là on pourra leur faire confiance. 

Le peuple tunisien a beaucoup progressé dans ce domaine depuis l’ère Bourguiba, les libertés individuelles ont connu un réel essor et les femmes bénéficient de beaucoup de droits. On ne veut surtout pas faire une régression dans ce domaine. 

Avec ou sans Annahda, le peuple tunisien restera sur sa lancée première. Le religieux n’a absolument rien à faire avec le politique et vice versa.  

Quelle était la principale différence entre Benali et Bourguiba ?

Il n’y a pas lieu de comparer Bourguiba et Benali. On aimait le premier et on l’aime toujours.
Bourguiba était un avocat, instruit, cultivé et homme de valeurs. Il n’a pas hésité à faire « dégager » son propre fils quand il le fallait. Alors que Benali était un militaire, largement inférieur en culture et en éducation et entouré  de surcroit d’une famille de voleurs tous aussi incultes. 

Mais n’étaient-ils pas tous les deux des dictateurs finalement ?

C’est vrai qu’ils ont géré tous les deux le pays d’une main de fer, mais chacun à sa manière et avec un objectif et un résultat différents. Bourguiba a travaillé pour le pays, il a construit la Tunisie moderne, a éduqué le peuple et donné aux femmes leurs droits. 

Benali de l’autre côté a pillé le pays, lui et sa famille. Il a aussi abusé de nos progrès en termes de liberté individuelles. Qui est-ce pour oser interdire aux femmes de porter le voile ? C’est un inculte je vous ai dis. 

On arrive à destination et la discussion s’achève sur cette dernière phrase. 

Je garde de cette discussion une certaine amertume quand je compare de pareilles discussions avec des chauffeurs de taxi à Casablanca, et une phrase clé : « Bourguiba 9errana (nous a éduqué)» !

En attendant les prochaines rencontres, je vous laisse écouter ceci...





lundi, juillet 11, 2011

Le regard de l'âne



La plage était déserte. Le vent soufflait en puisant sa force dans la mer, le ciel et le sable. Ces innombrables grains de sable qui venaient s’engouffrer dans les méandres du corps, piquetaient l’âme d’une force éolienne, mystérieuse en laissant comme des  baisers aériens sur chaque recoin du souvenir.

Il fallait vaguer avec le vent, suivre les directions de son grès,  naviguer selon son bon vouloir, se laisser aller tout simplement.

Au loin l’horizon se profilait incertain, confus. Et comme dans une nébuleuse, mélange de brise, de vagues, de sable et d’un vent se jouant de tous, la rive se faisait découvrir à petites bribes, telle une histoire, un roman en gestation.

 Dans ce roman, celui imposé par la force du destin, de ses houles et de ses vents, les personnages restent volatiles, fragilisés, comme propulsés par une force inconnue…la vie, peut être, qui ne leur laissât aucunement le choix d’être.  Elle les inventât de toutes parts et menaçait de les chasser de son paradis romanesque à n’importe quel instant.
Elle leur fit don cependant d’instants, innombrables, eternels, contradictoirement inscrits dans une durée transcendant l’essence même du temps. Elle fit son don et disparu le temps de le leur faire savourer.

Les personnages. Quoi de mieux qu’une femme et un homme, pour créer l’Histoire, ou juste une histoire, le temps d’un roman, de plusieurs nouvelles, de quelques essais sur un printemps qui s’en va déjà ?

Une femme et un homme, tous deux perdus sur cette plage déserte, prisonniers de rêves chimériques, d’espoirs inassouvis, d’envies de vies, oui, de plusieurs vies. Une seule ne suffirait-elle donc pas ?

Les têtes tantôt baissées pour épouser les courbes du vent, tantôt se rejoignant dans un baiser défiant la lumière éblouissante d’un soleil, discret mais constamment présent derrière les nuages.

Ils marchaient, sans but précis, sans point de mire, seuls, avec un silence éloquent qui défiait les exhortations du vent. Ils avaient marché pendant longtemps, quelques heures, des éternités se renouvelant avec chaque soupir, chaque sourire partagé.

Ils se perdirent dans des idées et des idéaux, dans des tempêtes de sables et des vagues d’eau fraiche, se retrouvèrent ensuite dans des regards furtifs, échangés à l’insu du monde et de leur propre volonté.

Au tournant d’un rocher improbable, un âne. Insolite la rencontre, improbables l’animal et son regard pénétrant.

Et comme pour défier un regard, le plus banal des regards, ou peut être le plus insolent, celui d’un âne inventé de toute pièce sur une plage déserte. Ils s’aimèrent…

mercredi, mai 11, 2011

Pourquoi le CCG est une mauvaise idée

Il y a un temps pour exprimer sa haine et un autre pour essayer d’organiser ses idées. Le plus important est qu’on soit capable de savoir quand exactement. 


Dans mon poste précédant je l’ai exprimée cette haine et là je n’ai pas la prétention de l’expliquer, mais je fais une tentative, peut être que d’autres suivront, pour présenter mes idées sur le sujet. 


Le Maroc n’a toujours pas « accepté » (c’est peut être trop prétentieux de le dire) l’offre du Conseil de Coopération du Golf, mais le Maroc n’a pas refusé non plus, en tout cas pas encore, car je pense qu’on trouvera moyen de décliner l’invitation gentiment, si on est tant soit peu raisonnables. 


Quels seraient donc les avantages  et inconvénients d’être membres du CCG ? 


Commençons par connaitre cet obscure CCG qui ne me fait PAS peur. 


Le pourquoi du CCG : 


“The Gulf Cooperation Council (GCC) was formed in 1981 to confront their security challenges collectively. The immediate objective was to protect themselves from the threat posed by the Iran-Iraq War and Iranian-inspired activist Islamism (also seen as fundamentalism). In a series of meetings, chiefs of staff and defense ministers of the gulf states developed plans for mutual defense and launched efforts to form a joint command and a joint defense network.”
Source: www.globalsecurity.com


Il parait clairement que le Maroc ne correspond pas à l’objectif initial de la création du CCG, sauf si on considère le Polisario comme affilié à l’Iran et la Syrie. 


L’entre lignes, est que l'UMA nous sera plus bénéfique, cela nous permettra de nous assoir avec des ‘partenaires’ et non des frères ennemies, pour résoudre définitivement le problème du Sahara.


Ceci étant dit, certains arguerons que l’objectif initial du CCG (en 1980) n’est pas nécessairement l’actuel objectif. Il n’y a que les idiots qui ne changent jamais n’est ce pas ? Mais on s’en fout ! Quelques soient les objectifs économiques, sociétaux, culturels (OMG !) , on s’en fout vraiment ! 

Hmm, non pas vraiment, l’économique peut être intéressant, très intéressant même…tout aussi que le modèle économique de la Tunisie de Ben Ali ! 


Point de bavardage sur les avantages économiques alors. 


Revenons au GCC lui-même, sa structure et son fonctionnement :


Structure:
“Supreme Council: The highest decision-making body is composed of the GCC heads of state. It meets once a year. The presidency of the council rotates in Arabic alphabetical order. Decisions on substantive issues require unanimous approval.
Ministerial Council: Made up of foreign ministers or other ministers, the council meets once every three months. It proposes policies and manages the implementation of decisions.
Secretariat-General: The administrative body prepares meetings and monitors the implementation of policies.
Consultative Commission: Made up of five representatives from each member state, the commission advises the Supreme Council.
Commission for the Settlement of Disputes: Formed on an ad hoc basis to seek peaceful solutions to problems among member states.
Secretary-General: Appointed by the Supreme Council for three years, renewable once. The current incumbent is Abd-al-Rahman al-Attiya, a former Qatari Foreign Ministry official.”
Source: BBC


N’est ce pas magnifique une aussi sympathique structure qui, vous l’aurez remarqué, contraste complètement avec les bases de la réforme constitutionnelle annoncée par le Roi pendant le discours du 9 Mars 2011. 


-          The highest decision-making body is composed of the GCC heads of state
-          Ministerial council - It proposes policies and manages the implementation of decisions


Alors que fondamentalement nous aspirons à un gouvernement qui prenne les décisions, pendant son mandat, dans ce cher pays qui est le notre, pas nécessairement les décisions de guerre (du moins pas seul), mais les décisions économiques, de grands projets d’infrastructures, de lois de finance,…


Bref, si dans notre constitution on fait, comme nous l’espérons pour les droits de l’homme surtout, primer les lois et accords internationaux ratifiés par le Maroc, on aura un petit, minuscule souci à être une démocratie.



Voilà donc quelques exemples d’avantages. 


Voyons voir un peu quelques inconvénients :

Inconvénient n° 1 : On n’a pas suffisamment de jeunes pour faire du nettoyage démocratique partout.
Inconvénient n° 2 : Ils ont l’argent, on a les bonnes volontés pour le changement démocratique, mais ils traitent mal les travailleurs étrangers.
Inconvénients n° 3 : Nos jeunes femmes qui se battent pour le changement au Maroc, d’une manière très civilisée, seront des putes chez eux et ne feront que distraire les hommes et attarder le changement.
Bref, nous ne leur seront d’aucune aide, mais cela n’empêche qu’ils peuvent apprendre de nous, sans pour autant nous retarder. On est magnanime.
Merci donc à nos dirigeants de comprendre qu’on aspire à être tirés vers le haut!

Je suis unique!



C’est quoi encore ces bêtises ? Qu’est ce qui nous lie aux pays du Golf, à part les investissements de leurs dirigeants et les allégeances des nôtres ? Les frustrations sexuelles de leurs peuples et nos femmes ? Leurs insultes et nos moqueries ?

Notre identité est radicalement opposée à la leur, nos valeurs et nos traditions. 

On veut avoir des échanges économiques avec eux, soit ! On les rejoint dans une seule union, c’est renier qui nous sommes, nous fondre dans un élément étranger et étrange pour nous. 

Faire partie en tant que femme marocaine d’une union qui regroupe des Khaliji est la plus grande insulte qu’on puisse faire à mon intelligence et ma fierté ! 

J’ai passé ces quelques  derniers jours à dire à des femmes danoises et autres arabes (Cyber Activism conference -  Copenhagen)  à quel point je suis fière d’être marocaine, d’avoir une identité propre, qui ne me lie à ce qui se passe en Tunisie, Egypte, ou encore moins aux pays du Golf, que sur la surface…une révolution !  

Une parmi d'autres? Non, la mienne est AUTRE!

Cette révolution marocaine, ces catalyseurs, ses formes et méthodes sont uniques, comme nous le sommes, nous autres marocains, en quelque sorte. 

Ne venez donc pas nous dire qu’on ressemble à tous les autres, au point de nous assimiler aux pires. Car si vous insistez, peut être qu’on devrait avoir, tout compte fait, la même "révolution"…

samedi, avril 23, 2011

Contribution citoyenne collective au débat sur la reforme constitutionnelle



Ce qui suit est le texte de propositions auquel j'ai contribué, avec trois autres personnes, dans le cadre de notre participation aux auditions de la Commission Consultative de la Réforme de la Constitution.


Contribution citoyenne collective au débat sur la réforme constitutionnelle
Avril 2011

Nous avons été invités par la commission chargée de la révision de la constitution pour y donner notre avis.
En acceptant cette invitation, nous étions conscients de prime abord de nos limitations techniques et juridiques.
Si les instances qui ont fait leurs propositions à la dite commission (partis, syndicats, association, ONG…) disposent en leur sein des compétences capables de traduire des idées de fond par des recommandations directes sur le texte de la constitution, nous étions, nous autres, invités à titre intuiti-personae, en tant que jeunes citoyens.
Jeunes nous le sommes assurément, Jeunes plus pour longtemps, certainement.
Nous pensons notamment à d’autres jeunes, à travers le mouvement du #20fev, sans lesquels nous n’aurions certainement pas eu à écrire cette contribution.
Notre participation, dans ce cadre, ne se veut pas une savante contribution à cette commission (nous n’en avons ni la volonté, ni la compétence, encore moins la prétention), mais plutôt comme une expression des ambitions que nous nourrissons individuellement et collectivement pour le futur de notre pays.
Notre participation ne s’inscrit pas non plus dans une démarche de légitimisation de cette commission ni de sa décrédibilisation. Nous laissons aux acteurs politiques et associatifs le soin d’évaluer la méthodologie, d’y adhérer ou de la réfuter.
Notre participation se veut uniquement et exclusivement citoyenne, car nous pensons que la commission, en nous invitant, nous donne une occasion unique de nous exprimer en notre nom, âme et conscience, tout en espérant que d’autres partagent notre vision.
Ceci est un texte collaboratif et libre.  Nous y mettons, à défaut de valeur ajoutée intellectuelle, une sincérité éthique.

*    *    *

Ne pouvant pas aborder les détails techniques du texte, nous avons choisi d’élaborer les principes généraux que nous voulons pour le Maroc de demain. Des principes que nous appelons de nos vœux, puisque nous croyons aux institutions, nous croyons en l’État, nous croyons au Maroc.
Il y a dix ans, l’avènement du nouveau règne a nourri beaucoup d’espérances. L’émergence de nouveaux espaces de liberté  et la naissance d’une véritable dynamique de changement à la tête de l’État nous ont poussé  à croire en l’imminence d’un changement dans notre pays. Nous avons, chacun à son rythme, perdu confiance et assisté  impuissants  à l’essoufflement de cette dynamique.
La « transition démocratique » prenait fin pour céder la place à un système que nous pensions révolu.

De la Constitution actuelle
Toute personne s’étant penché un tant soit peu sur la constitution actuelle le concédera sans trop d’effort : d’abord, ce texte est largement perfectible, ensuite, certaines dispositions actuelles –plusieurs même- sont tout à fait compatibles avec la pratique démocratique.
Toutefois, la même personne reconnaîtra tout aussi bien que de larges pans de cette constitution, texte censé représenter la loi suprême du pays, se retrouvent en l’état d’un simple formalisme.
Les institutions, qui y sont retranscrites, sont régulièrement bafouées, ignorées et délestées de leurs prérogatives, y compris celles qui y sont explicitement mentionnées. Citons à titre d’exemple les ministres dits de souveraineté : une pratique établie alors même que le texte constitutionnel actuel prévoit une équipe gouvernementale nommée sur proposition du Premier ministre. D’un autre coté, certaines de ces institutions n’ont pas vu le jour, ou ont été créées très  -trop- tardivement. Le Conseil Économique et Social en est la parfaite illustration.
La constitution actuelle  est  pour nous la preuve qu’une révision ou simple réécriture du texte suprême ne peut être une fin en soi. La révision constitutionnelle, si elle se limite à sa dimension technique, ne serait qu’un effort consenti en vain
La véritable réforme, que nous, signataires de ce texte, appelons de nos vœux, est une transmission de pouvoir vers l’essence même d’une nation : ses citoyens.

Du Maroc et et de ses Hommes
A l’aube de toute réforme politique, voire démocratique, la même question ressurgit : le peuple Marocain, dans le sens large, est-il suffisamment prêt à jouer pleinement son rôle de Citoyen ?
Le citoyen marocain est-il prêt pour la démocratie ?
Au-delà d’un chauvinisme béat, nous sommes obligés de le reconnaître, même si ça peut paraître élitiste, que la citoyenneté au Maroc souffre de nombreux maux.
En succombant à une forme de pragmatisme de facilité, nous serions tentés de prôner une gradualité et une progressivité vers une démocratisation à moyen, voire long terme. Les enjeux comme les risques d’un rythme accéléré étant trop grands pour être acceptés.
Cela étant dit, et avec tout autant de pragmatisme, ce discours a prouvé depuis l’indépendance  que ce ce rythme graduel, au  lieu de faciliter la transition, produit l’effet inverse et qu’au lieu d’une préparation du citoyen à ses responsabilités, on assistait à sa déresponsabilisation.
Personne ne peut arguer avec certitude de l’évolution des choses en cas de « démocratie subite ». Par contre, l’histoire de ce pays nous laisse clairement entrevoir le résultat d’une réforme transitionnelle, voire graduelle : contre-productive.
C’est pour cela qu’actuellement, nous prônons, non pas la transition, non pas la réforme, mais la rupture.

Des citoyens et de leurs droits
« Les droits et libertés des citoyens sont inaliénables.»
Nous nous référons par cette formulation aux traités internationaux et universels dont nombre sont signés, certains mêmes ratifiés par le Maroc.
Nous retenons par ailleurs, spécifiquement, la liberté de conscience des marocains dans son sens large et telle qu’universellement admis.
Nous notons aussi la liberté d’expression comme un principe suprême.

Du Roi et de la sacralité
Indépendamment de la terminologie : sacré ; inviolable ; respectable… Nous adhérons à ce que la personne du monarque ne peut être assimilée au « simple » citoyen.  
En ce sens, il nous est tout à fait accessible de comprendre que le Roi, de par sa fonction constitutionnelle, soit au dessus des lois et ne peut faire l’objet d’aucune équation qu’elle soit politique ou juridique. Il est et demeure, dans ce sens, le représentant suprême de la nation.
Cette sacralité, est donc intimement liée à une forme d’exercice des pouvoirs institutionnels. L’exercice du pouvoir suppose la justesse comme l’erreur, le droit d’évaluation revenant aux citoyens à travers le suffrage universel.
Nous réitérons donc notre appel à une transmission de pouvoir qui à notre sens est le principal garant de la sacralité du Monarque, tout en préservant aux citoyens le droit d’arbitrer les actions de leurs dirigeants et les pouvoirs pour lesquels ils les ont eux-mêmes mandatés.

Du pouvoir spirituel
Par définition, la spiritualité relève de la sphère privée. La liberté de conscience comme signalée ci-dessus est une composante essentielle des libertés constitutionnelles dont devraient jouir chaque citoyen marocain.
Dans la dimension historique du Maroc comme pays à majorité musulmane, il nous semble établi que la personne du Roi dispose d’une autorité spirituelle liée à cette religion. Autorité tout à fait concevable de préserver.
Toutefois cette dimension spirituelle n’est à notre avis envisageable que si elle cesse d’être un pouvoir imposable aux citoyens mais devienne une adhésion de ceux qui s’en prévalent.
Aussi, aspirons-nous à une réforme qui mette concrètement les jalons d’un Maroc laïc de par sa pratique du spirituel, garantissant une liberté individuelle, inspirée du concept du libre arbitre.

De l’arbitrage royal
Par son caractère « supra-pouvoir », le roi est à même d’exercer un arbitrage entre les pouvoirs institutionnels prévus par la constitution.  Il est tout à fait concevable qu’il demeure ainsi le garant de la stabilité de l‘architecture constitutionnelle à travers ses différents acteurs.
Toutefois, nous émettons le principe que cet arbitrage doit être motivé par un blocage institutionnel et que sa portée se limite à remettre aux mains des citoyens l’arbitrage ultime.

De la séparation des pouvoirs
Nous estimons que la séparation des pouvoirs devra être consacrée par la nouvelle architecture démocratique de la future constitution. L’esprit de la reforme  doit veiller à ériger de véritables murailles de Chine entre ces différents pouvoirs et mettre en place les « portes communicantes » et « les sentinelles » qui veilleront à ce que la permissivité tolérée entre les différents pouvoirs serve exclusivement les besoins naturels de coordination. Cette séparation claire doit bien évidement être prolongée aux personnes endossant ces pouvoirs. 
 
Du Pouvoir Exécutif
La sacralité du Roi, telle qu’annoncée ci-dessus, ne peut être en adéquation avec le concept de monarchie exécutive. Le pouvoir exécutif tel que nous le souhaitons est un pouvoir à mandat limité dans le temps et remis périodiquement en cause via le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire et in-fine par les citoyens eux-mêmes. 
La fonction de monarque reste dans notre esprit, en tant que constante de la nation, antinomique avec l’exercice d’un quelconque pouvoir exécutif. Ce pouvoir est donc pleinement attribuable au Premier Ministre, qui lui-même tire sa légitimité du suffrage universel. Les modalités de cette légitimité relèvent des détails  techniques, non moins importants.
Tout comme nous ne concevons pas l’existence de ministres de souveraineté, nous insistons aussi sur l’inclusion de la dimension sécuritaire dans les attributions du Pouvoir exécutif. 

Du pouvoir Législatif
Dans la même veine de l’ensemble de ce texte, le choix technique entre bicaméralisme et chambre unique ne nous semble pas être la priorité.
Il existe de nombreuses démocraties dans le monde qui ont tranché d’un côté comme de l’autre sans pour autant que les principes démocratiques ne soient remis ne cause.
A la limite, nous considérons que le bicaméralisme, peut constituer, lorsqu’institué à bon escient, une sorte de contre pouvoir intéressant dans l’exercice du pouvoir législatif.
Toutefois, notre conception de la situation actuelle du bicaméralisme « à la marocaine » est que le bon fonctionnement démocratique n’a pas été la principale motivation de cette formule. Bien au contraire, il a servi à l‘affaiblissement du pouvoir législatif dans son ensemble, et ce quelque soit la majorité du moment.
L’esprit de toute réforme des institutions du pouvoir législatif devra veiller à ce que cet esprit de contrepouvoir sincère et efficace soit pris en compte.

Des Forces Armées Royales
Par sa fonction, le Roi du Maroc est le chef suprême des armées en conformité avec sa fonction.
Toutefois la gestion budgétaire, administrative, organisationnelle…  relèvent du pouvoir exécutif, représenté  - faut-il le préciser- par un ministre de la défense qui fait partie d’une équipe gouvernementale dirigée par le Premier Ministre.  L’armée, même avec le monarque comme chef suprême, ne peut se soustraire au pouvoir du citoyen qu’elle est censée servir. 

Du pouvoir judiciaire
Pierre angulaire de tout système démocratique, l’autonomie institutionnelle et financière du pouvoir judiciaire nous semble clairement comme un impératif de toute révision constitutionnelle.
Le Conseil Supérieur de la Magistrature, dans ce sens, devra être le garant de cette autonomie, que nous voulons animer par un fort esprit corporatiste permettant aux magistrats de faire face à leurs responsabilités.
Car si actuellement au Maroc le pouvoir judiciaire en est un vis-à-vis des citoyens, il n’est pas considéré comme tel  devant les autres pouvoirs.
Indépendamment de son organisation, l’essence même de l’existence du pouvoir judiciaire, est de garantir, in fine,  au citoyen l’état de droits auquel il aspire. Le pouvoir judiciaire est à positionner dans ce sens comme un plein pouvoir, dans la mesure où il devrait assurer une protection concrète du citoyen.

Du Pouvoir Économique et Médiatique
Loin de nous l’idée de constitutionaliser une quelconque notion de pouvoir économique ou médiatique. Dans notre conception du Maroc moderne, l’économique est l’apanage des acteurs privés et le pouvoir médiatique est le contre pouvoir par excellence. Toutefois, ces « pouvoirs » doivent être régulés, règlementés et protégés des autres pouvoirs.
Il est utile d’avoir une architecture constitutionnelle qui garantit que ces pouvoirs servent les intérêts suprêmes de la nation.
Dans le domaine économique, un certain nombre de mécanismes existent : conseil de la concurrence, Instance de lutte contre la corruption, le CES, les régulateurs …… Il s’agit donc de doter ces instances des pouvoirs, des prérogatives, des moyens et de l’indépendance nécessaires pour qu’ils puissent fonctionner, agir, sévir et, in-fine, servir le citoyen
Dans le même esprit, nous pensons qu’il faille obligatoirement hisser  le service public audiovisuel  à un rang qui le rende imperméable aux tentations de récupérations politiques et économiques. 

De la diversité
Nous sommes conscients de l’importance de l’émergence et  de la consécration  de la diversité dans sa définition globale : diversité des genres,  diversité culturelle, diversité identitaire, etc. Dans tout processus démocratique et dans les bases même d’une société de droits, il nous semble primordial de préserver les acquis dans ce domaine et de les mener au niveau supérieur.
Cette diversité à laquelle nous aspirons, pour un Maroc riche de ses différentes composantes sociétales et identitaires,  se traduirait par la mise en place de mécanismes  culturels, éducationnels et juridiques garantissant les droits de la femme, conformément aux lois internationales en vigueur, et assurant leur totale inclusion dans les champs politiques et économiques.
Il est également de mise de protéger les minorités culturelles et ethniques ainsi que les personnes handicapées et de leur donner les moyens requis pour occuper une place conséquente dans la société marocaine, notamment par la promotion d’actions concrètes dans ce sens.


*     *     *

Sans avoir le moins du monde la prétention d’avoir été exhaustifs ou pertinents, nous espérons que ces propos aient d’abord réussi leur mission de clarté et qu’ils expriment sans ambages l’esprit de notre contribution.
Nous rajoutons à nos espoirs (et ils sont nombreux), celui de voir votre commission aller au-delà des sentiers battus et du « déjà-vu ». Aussi technique soit-elle, nous pensons que cette commission peut, dans le cadre de l’objectif de fédération qui lui est dévolu, disposer d’une marge de manœuvre qui permettra de poser les jalons d’un Maroc Nouveau pour les générations futures.
Nous espérons que les livres d’histoire qui seront enseignés à d’autres générations, celles de nos futurs enfants, retraceront objectivement le travail de cette commission comme l’un des travaux majeurs d’après l’indépendance.


 
Design by Free WordPress Themes | Bloggerized by Lasantha - Premium Blogger Themes | Hot Sonakshi Sinha, Car Price in India