mercredi, décembre 09, 2009

I wanna know what love is















Picasso - Fille devant un miroir


Elle rentre épuisée d’une longue journée de travail, se coule un bain chaud, assez mais pas trop, et se déshabille.

Alors elle se regarde un long moment dans la glace, épie ses cuisses, ses hanches, ses bras… s’affole un moment en constatant l’étendu des dégâts, cette peaux d’orange et ce bide qui prend de jour en jour plus d’ampleur. Une moue de colère ou d’insatisfaction lui tordit le visage un instant et puis elle secoue les épaules et se détourne de son image, oubliant sa contrariété et toutes les résolutions qu’elle était capable de formuler en ces minutes de minutieux examens pour les reléguer aux oubliettes en une fraction de seconde.

La bouilloire sifflotait. Elle attendit quelques minutes que le thé se relaxe, qu’il prenne la bonne température, ni trop chaud, ni assez tiède, en déambulant toute nue dans les recoins de son appartement.
Le thé et la baignoire à la bonne température, elle mit la radio, une musique de fond qu’elle écoutait à peine, se glissa dans l’eau tiède et entreprit de siroter son thé, feignant à chaque gorgée de se faire bruler les lèvres…

Des idées et des images désagréables commencent par envahir son esprit comme d’habitude, les ennuis du bureau, la circulation, les freins grinçants de sa voiture, les chaussures qu’elle voulait tant acquérir sans pouvoir trouver la bonne pointure…un tas de futilités !

Une cigale commence à chanter d’un ton strident. Quel ennui ! Encore une cigale qui s’est faufilée on ne sait comment dans la cuisine. Pas de sommeil cette nuit sauf si…elle la tue ? Aucune chance !

Elle fini par s’accommoder de la cigale, se faisant même distraire par ce cri monotone et importun.

Vint à son imaginaire alors quelques tableaux hauts en couleurs, le souvenir d’une discussion inachevée, cette soirée d’été inoubliable entre copains, le dernier mail se son boss, ses projets de voyages, l’accouchement de sa meilleure amie, cette nuit torride dans les bras d’un inconnu- ils le sont tous d’ailleurs…un tas de futilités !

Toute sourire, elle déposa son thé fini et se mit à son activité aquatique favorite, se passer du bain douche à la lavande sur tout le corps…hmm ce qu’elle est douce et jolie finalement.

L’eau dégoulinait partout sur le sol alors qu’elle restait debout quelques longues minutes à la sortie du bain. Elle ne pensait plus à rien mais écoutait enfin cette musique de fond…

« I’m gonna take a little time
A little time to look around me
I’ve got nowhere left to hide
It looks like love has finally found me…»

La buée l’empêchait de regarder son propre reflet, elle se pencha, fit un premier cercle sur le miroir et puis un deuxième…quelques cercles et des lettres plus loin, son visage devint complètement visible, rougi par la chaleur ambiante et exhalant une joie subite.
Elle lui rendit un sourire nonchalant et chantonna tout bas « I wanna know what love it, I want you to show me… » et à son reflet de lui renvoyer un clin d’œil complice : « sale égoiste ! »
Son rire sonore éclatât faisant s’évanouir le chant de la cigale et ébranlant son visage rieur dans la glace: « ah mais quelle sotte ! C’est que…je t’aime ! »

samedi, octobre 31, 2009

Morbidus Institut

Une silhouette longiligne, frêle, presque cadavérique, se mouvant telle une feuille desséchée dansant au vent, s’approche du pupitre. Ses lèvres bleues, s’entrouvrant pour laisser s’échapper quelques baragouinages inaudibles, dévoilent une dentition ravagée par des caries et autres dégâts irréversibles, dus probablement à des excès de jeunesse dans les rixes d’un quelconque quartier malfamé. Tout ce qu’il faut pour provoquer cette fatale première – mauvaise- impression

D’ailleurs, sa seule apparition suffit à susciter quelques rires incongrus. Des chuchotements étouffés se font entendre ici et là, alors que les plus convenus de l’assistance font un effort monstre pour rester de marbre.

Quand il commença son discours avec des excuses confuses après sa presque chute devant le pupitre, les plus assidus affichaient des yeux exorbités, ravalant leurs fous rires.

Son baragouinage se perpétua encore quelques secondes avant qu’il ne puisse enfin se ressaisir. Se raclant la gorge, prenant un souffle ultime, gonflant le torse et posant sur ce malheureux pupitre ses mains osseuses, il pointa son nez énorme vers le centre de la salle et cria presque, pour masquer ce brouhaha persistant d’un auditoire, désormais chantonnant en cœur quelques rires méchants :

« Je vous remercie de m’avoir si chaleureusement accueilli. Je suis parmi vous en cet instant pour, parmi tant d’autres choses, vous parler de moi et de ce savoir que j’ai fais mien après moult tergiversations, après avoir hésité la moitié d’une vie à prendre enfin le chemin de vérité et l’autre moitié à concrétiser mon projet. Je suis un artiste du morbide. Voici le legs d’une longue vie à combattre mes candides impulsions, entre vos généreuses mains. Les confessions d’une interminable chevauchée dans les steppes d’une existence unique, dévoilées à votre valeureuse intelligence.

Chers collègues du morbidus institut, aimable assistance, vaillants nouveaux venus ; j’ai le grand plaisir d’entamer ce propos par vous présenter mon œuvre. Il ne s’agit là aucunement de prétentions philosophiques ou spirituelles. Le fruit de mon labeur n’est nullement art abscons estampillé de vérités latentes, c’est un pur suc de sens, matériel, vivant, palpable au plus haut point. Je travaille sur des matières vivantes aspirant au culte du morbide. Je réalise des sculptures d’enfants en bas âge, ou de jeunes adolescents pubères, sans verser dans l’attendrissement vain, sans jamais, à aucun moment, me soustraire à cette mission de désenclaver l’art pur. Celui de la mort. La mienne, la votre, l’éternelle.

Durant cette désuète vie que j’ai abandonnée sans repentir aucun, mes modèles étaient rarement repêchés dans des morgues avec le concours de certains artistes de vie corrompus. Ce moyen étant lâche par définition, je m’attelais souvent à trouver mes mannequins aux creux de sépultures profanées. Et quand d’aucuns commençaient à dénigrer ce procédé artistique, ignorant l’essence même de cet art, celui de cueillir l’éclat à l’autel de la décrépitude, en l’aliénant à quelques expressions religieuses infâmes, je me vis dans la contrainte, qui s’avéra d’ailleurs ô combien délicieuse, de créer moi-même l’objet de mon art, au lieu de le quémander à une quelconque providence.

Mes modèles étaient mes enfants de cœur, artisans du culte morbide, vouant à la mort cette dévotion que j’ai pour son art.

Je n’avais jamais réussi à admirer la lumière que dans le noir absolu. Je réalisais également des tableaux noirs, enluminés de sang séché et de détritus. Ici, je jubile dans cette félicité d’obscurité totale, et je me vois encore plus enchanté de la partager avec d’aussi valeureux compagnons que vous autres.

J’aimais par-delà tout le gout âpre du rance, aussi l’acte de créer se terminait souvent par un coup de langue lent, savourant chaque once de mes créations. Ici, nul besoin de déployer un quelconque muscle pour se délecter, le morbidus institut recèle de tant d’exquis relents acerbes embaumant l’air même que nous inhalons.

Admirez donc chers amis, par tous vos sens aiguisés, cette beauté qui nous entoure, cette déchéance qui nous ceint en sein, car le moment est enfin venu pour que vous participiez à notre plus grand projet, figer notre mort sur le tableau dédié à sa gloire.

Cher auditoire, pour ne point vous ennuyer davantage, je vais vous épargner le long récit de l’œuvre de ma vie ou de l’avènement de ma mort, peut être le ferais-je plus tard, mais je tiens à ce que vous vous remémorez cette image de moi-même : Un homme dévoué à l’entreprise ardue de figer la mort dans ses plus beaux apparts, à l’instant même où elle survient accompagnée de cette joie ultime des retrouvailles. Le sang est toujours chaud sur mes toiles…

Aussi, êtes-vous en cette fraction de seconde ici réunis, parce que le sang est toujours bouillant. Puissiez-vous garder cette ardeur, cette chaleur et cette joie incommensurable, durant toute votre longue et glorieuse mort.

Si je suis présent, en ce moment, devant ce pupitre, c’est aussi pour vous souhaiter au nom de notre chaire d’académiciens de l’illustre morbidus institut, la bienvenue parmi nous. Sachez également que c’est à votre serviteur qu’incombe la noble tache d’immortaliser l’instant de votre mort.

Mais pour commencer, vous demanderais-je de bien vouloir me rejoindre, un à un, afin de nous parler de vos morbide vie et glorieuse mort, puisse cette dernière prendre de pitié ceux qui n’ont pu nous rejoindre maintenant et les ramener tantôt parmi nous.»

Quand l’artiste du morbide finit son discours, un silence de morts se fit alors dans l’immense salle fermée à cette autre cohorte de nouveaux venus, s’entassant en file indienne devant l’énorme portail du morbidus institut.

Une fraction de seconde là-bas vaut l’éternité ici-haut.
Afin de jouir amplement de cette délicieuse mort, le morbidus institut a entamé l’ambitieux projet d’un tableau infini, retraçant à l’infini les vies et la mort de ceux qui la désirent.
Je suis l’humble historien chargé de raconter le plus grand événement de l’histoire des morts, figer l’instant de son étreinte sur une seule fresque retraçant à la fois la vie ingrate et cette autre généreuse mort.
Le morbidus institut a entamé l’ambitieux projet de ce tableau pour permettre à l’instant de mort de s’éterniser à l’instar de la mort elle-même.
D’une fraction de seconde là-haut nous ferons une éternité ici-bas (ou le contraire, ça dépendra de vos croyances !)

dimanche, octobre 25, 2009

De la valeur du travail et autres vétilles

Qu’elle est la valeur du travail ? En voilà une question qui m’a longtemps turlupinée.
Une question qui me fait me poser plein d’autres. Est-ce une valeur morale ou économique ? Monnayable ou purement métaphysique ? Serait-ce un concept à identité complexe ; reconnaissance sociale, épanouissement de soi, production matérielle ou incorporelle…rémunération, prémunition de la précarité?

De ce fait, je me suis longtemps baladée entre les humanistes, les marxistes, les capitalistes, et autres libéraux, tous gratifiant la question elle-même d’une aura philosophique haute en couleurs, confusions et contradictions de tous genres.

Je vous épargne les questions plates sur la relation entre valeur et nature du travail. Un travail cognitif aurait-il plus de ‘valeur’ qu’une besogne manuelle ? Encore faut-il définir cette valeur.

Finalement, un jour alors que j’étais entrain de croupir dans mon lit à cause d’une méchante grippe, j’ai eu subitement une illumination. Des magazines emplissant mes draps, du vin sur la commode - oui je sais, ce n’est pas très conseillé dans pareilles situations, du grignotage malsain, un abandon total et sans contraintes aucunes à toutes les envies d’errances spirituelles et spiritueuses, un pur moment de totale oisiveté, ponctuée par l’absence absolue de réflexions, surtout celles qui s’immiscent souvent dans ma vie sans vergogne…devais-je envoyer le mail à Machin hier ou aujourd’hui ? Il faut revérifier si le forecast du budget tient la route, je l’ai fait il y a un mois ? Oui mais je dois tout de même revérifier ! Et cet entretien avec Big-boss ? Dois-je le baratiner comme je fais d’habitude avec Manitou ?

Bref, de par mon état de santé se détériorant heure après heure et peut être aussi à cause de ce liquide si bon qui réchauffait langoureusement mon corps fébrile, j’étais incapable de me concentrer sur une seule idée qui tienne la route, et de ce fait j’avais complètement oublié toute notion d’utilité, de valeur de soi, d’existence sociale, de moral et autres vertus que je me serais plu à énumérer en état de totale sobriété, sirotant un café avec mon directeur des ressources humaines.

Seule persistait une idée fixe, ravageuse, téméraire ; « Il faut que je m’approvisionne, je n’ai pas de cash…le salaire serait-il passé ou pas encore ? », entre un somme, une rêverie, et l’infime instant de lucidité qui pouvait se profiler entre les deux, je me répétais cette seule phrase avec l’engouement que son résultat réveillait en moi !

« Ce fut comme une apparition ! »

J’aime cette phrase et j’en abuse, mais là n’est pas le sujet.

En effet, le fait que mon cerveau carburait à la seule envie de ‘provisions’, qu’il ne se remettait en état de fonctionnement que pour vérifier le bon fondement d’une rente qu’il avait déjà générée – étant donné que je suis plutôt dans le travail cognitif et que tout ce qui manuel je le garde pour des occasions de purs dévergondages. Tout cela me parut sur le champ comme une jolie découverte…telle cette belle Mme Arnoux sur un banc.

« Elle était assise, au milieu du banc, toute seule ; ou du moins il ne distingua personne, dans l’éblouissement que lui envoyèrent ses yeux. En même temps qu’il passait, elle leva la tête ; il fléchit involontairement les épaules ; et quand il se fut mis plus loin, du même côté, il la regarda. »

L’idée était là devant mes yeux ébahis pour la première fois alors qu’elle avait certainement vécue longtemps dans mon Ça, m’abreuvant de plaisirs de toutes sortes. .

Je suis une néo-mercantile d’un genre spécial, et le travail n’a aucune valeur si ce n’est assurer certains plaisirs devenus monnayables par les temps qui courent. En d’autres termes, j’aurais été Dionysos ou Aphrodite, le travail n’aurait même pas existé comme concept. Il doit toute sa valeur aux possibilités qu’il offre, combiné évidement avec d’autres vertus que la décence m’empêche d’évoquer. Pour les plus puritains, une explication, j’aurais été une laide nonne ou un vieux bossu, je n’en aurai pas eu besoin non plus.

Ici, une clarification s’impose, on ne peut faire du travail l’objet même de ce qu’il peut générer, du plaisir s’entend. Et donc le plus vieux métier du monde n’est en substance que l’anti-travail incarné. Le reste du monde, ceux qui vont philosopher sur la valorisation abstraite de toute forme de travail, générateur ou pas de profits, se leurrent ostensiblement.

Allez, je vous dois tout de même plus de clarté vue que moi-même commence à me perdre dans tout ce charabia. La valeur du travail, cher lecteur, se résume à trois choses essentielles de la vie : Un bon diner, du vin, et des capotes ! Tout ce dont la valeur ne s’apparente pas à cette définition est tout simplement « activité ».

La preuve, les gens riches passent leur temps à faire du sport, de la manucure, la fête et…des activités non lucratives !


PS : vous l’aurez compris…tout ce qui précède ne doit en aucun cas arriver devant les jolis (au cas où) yeux de Big-boss !

dimanche, mai 24, 2009

L'été

Il fait chaud dans cette voiture. Je suffoque du manque de fraicheur et ma tête aspire vers un brouillard moins étouffant.

J’avais pris la route en espérant oublier cette chaleur qui m’asphyxie tellement elle s’engrène dans chaque petite particule de l’air ambiant. Chaque objet m’entourant me nargue avec un sourire noir, les murs m’encerclent de leur étanchéité indifférente, et les cris de joie des enfants jouant dans la cours de l’immeuble se muent en un vacarme insoutenable.

J’ai besoin d’air.

Il continue à faire chaud dans cette voiture, combien même la vitesse atteinte donne le tournis, combien même l’air chaud et bruyant s’enlise effrontément par les quatre vitres ouvertes. L’air doux, discret, frais et délicieux me manque.

Il est midi. Un midi de désert sur cette route tertiaire reliant deux bourgades inconnues. Une route oubliée que j’ai empruntée par un pur hasard, pour découvrir qu’elle ressemblait tant à mon cerveau vide, valsant entre deux mondes méconnus. Le mien propre, celui que je reste seule à pouvoir effleurer, et celui des autres, auquel je reste étrangère. Une marginale dans un monde d’établis, une aliénée dans un monde de sages ou le contraire, je ne saurais dire.

Quand j’étais passée devant le premier village entamant cette route, j’avais ressenti l’excitation de celui qui se lance dans l’aventure, de celui qui s’en va errer sans but autre que découvrir l’inconnu. Un brin de fraicheur s’en était saisi de moi le temps d’une rêverie sournoise, le temps de dépasser quelques charrettes de fortune, quelques maisonnettes délabrée et un jardin meurtri par la chaleur.

Sur la route, nulle âme vivante, de loin en loin quelques paysages de cartes postales défilaient à grande vitesse devant mes yeux embrumés de rafales de vent, laissant une image diffuse dans ma mémoire, incessamment écrasée par les roues de ma voiture, jonchant l’asphalte brulant à grande vitesse.

Pas le temps de souffler, ni de faire avouer ce vent envahissant ses vertus de fraicheur. Il fait toujours aussi chaud, et je continue à suffoquer.

Ma vision et ma mémoire se confondent, et doucement mon esprit se libère, donne les règnes impétueusement à mon imagination prolixe. Que de mirages alors ! Que d’images, toutes aussi confuses les unes que les autres !

Des images de champs brûlés, des mirages de flaques d’eau inondant la route déserte. Un ciel bleu à l’horizon, et à l’horizon soudain l’océan.

Ma vision de plus en plus trouble, mon esprit de plus en plus léger, je me résigne à réduire la vitesse, me déconnecter de la réalité en réduisant les risques en quelque sorte, et flâner sur la route au lieu de la dévaler.

Et c’est seulement là que je découvre avec grand étonnement…que l’été est là. Il voulait annoncer son arrivée, s’imposait à cet air que je respirais, m’étouffait pour ensuite me libérer…
L’été est déjà là et je ne m’en suis pas rendue compte, car je roulais à grande vitesse.

lundi, mai 18, 2009

Andalusia



Oscar Lopez - Fire And Fury

Une soirée flamenco. Ambiance chaude. Sangria et belles danseuses. Guitare espagnole grattée de passion et de doigts espiègles.

On s’abandonne, on se donne.

Un large lit. Des draps blancs. Une chambre andalouse peinte en rouge. Les rideaux dansent au vent.

L’orchestre continue à jouer dans la cours.

Nous deux, dans cette chambre au premier étage, continuons à nous abandonner, nous donner.

Il appui son corps, hmm ce beau corps, sur un coude et me regarde. La flamme est toujours là. Un scintillement à la célérité de lumière, une fraction de seconde. On évite les regards longs, profonds. Nous n’en avons cure des regards, nos doigts se mêlent déjà, les jambes s’étreignent.

La music s’imprègne de la hardiesse ambiante. Le rythme s’accélère. Les mains tapent. Les cordes s’émeuvent au toucher des doigts. Les corps se lancent dans une dance effrénée, sur un sol chaud, dans un grand lit brulant.

‘Une variante ?’
‘A chaque nouveau tempo, un déhanchement différent, mais les pieds restent ancrés…sur le sol, dans les draps…’
‘Ecoute ! La guitare et la dance s’expriment désormais seuls’
‘Tes cris, des chants rauques…’

Je me relève, appui mon corps sur un coude et le regarde.

‘Oh Séville, que donnerais-je pour revenir encore une fois ?’
‘Tu y es déjà. Sa musique berce le rêve, ses danses rythment chaque réveil d’un soubresaut d’inspiration pour te noyer encore dans la contemplation.’
‘Trêve de mots, dansons !’

Fusion des sens et fustigation du temps qui passe. Il peine à couler, s’ennui de lui-même, se lasse de devoir avancer, toujours, encore, sans but.

Le temps, dans un dernier combat contre sa propre essence, cède, se fige, abdique à la chaleur humide, aux pas des danseuses, aux cris des guitares, aux exhortations de la foule, toute envie, que dis-je, tout devoir, de continuer son chemin.

La nuit se fait de plus en plus douce. Les rideaux, au vent, se livrent. Leurs corps enlacés, à la tiédeur de la nuit, abandonnés. Elle et lui, gisent désormais apaisés. Les doigts se recherchent, se retrouvent, s’entremêlent…

En bas, dans la cours, ça joue encore…


A Kamal G. ( pour l'inspiration... )

dimanche, mai 17, 2009

Chaussures...

« Nous nous sommes aimés, âmes et corps. Il est l’aboutissement d’une nuit d’amour et nous en eûmes tant. Tant d’amour que je veux faire fondre cette nuit de lumière blanche comme toutes les autres de mes cris de plaisir. Tant de plaisirs que je veux lui procurer celui d’une naissance dans la reconnaissance.
Serais-tu prêt à rendre public ce qui fut notre doux secret ? Voudrais-tu lui donner ton nom ?
Je regrette de te l’annoncer ainsi, mais notre enfant git en moi avec la peur de me quitter sans te retrouver. Je ferais en sorte de le lui épargner et de partager son sort…quel qu’il soit !
J’ai rendez-vous chez le gynéco pour avorter à 18h. Viens m’en empêcher.»

Elle glissa ce billet dans la poche de sa veste, mis ses chaussures du jour pas loin du lit, déposa un tendre baiser sur ses lèvres entrouvertes et partit, aérienne, trainant sa lourde valise.

Elle avait longuement admiré ses chaussures avant de s’en aller. Elle les aime ces chaussures visiblement, toutes, plus que tout autre objet lui appartenant, plus que toutes leurs photos ensembles. Ses chaussures lui rappellent les longues ballades en bord de mer, les courses improvisées pour atteindre un point fictif, ses pas appuyés, rassurants, quand il rentrait la rejoindre tout les soirs.

Elle s’en alla sans se retourner, franchit le pas de la maison avec sur les lèvres une prière secrète. Pourvu qu’il continuât à la rejoindre, toujours, mais surtout ce soir.

Elle ne savait trop quoi faire de sa journée. Son rendez-vous avec le gynéco lui parut être le commencement d’une autre vie qu’elle voudrait ajourner à jamais. Elle se décidât à vivre jusqu’au bout celle qu’elle tenait encore en main.

Dans sa rue encore déserte à cette heure de la journée, elle flânait sans savoir ou aller. Un tronc d’arbre se frotta inopinément à son bras droit et l’enlaça. Un vent léger vint ensuite déposer un baiser divin sur son cou nu, et quelques feuilles mortes, qu’elle piétina involontairement, commencèrent à gémir.

Ses pas la guidèrent vers le parc. Assise sur un banc bariolé de graffitis que les jeunes du quartier s’amusaient souvent à ébaucher ici et là, elle se complut à décrypter les messages d’amour codés, les invectives contre les autorités, les slogans de révoltés, un tas de lettres indéchiffrables…Comme ses souvenirs confus, comme ce rendez-vous incertain.

Ses pensées la torturèrent interminablement, la malmenèrent sans pitié aucune, et la menèrent sur des sentiers tantôt effrayants, tantôt emplis de joies éphémères. Elle craignait le pire et ne pouvait s’empêcher d’escompter le meilleur…lui au rendez-vous.

Le soleil commençait à décliner vers l’horizon qu’elle se rendit enfin compte du temps, de l’espace, d’elle, une présumée coupable attendant la sentence.

Il l’avait longtemps tenu loin de sa vie public, loin de sa famille et de ses amis. Lui l’illustre écrivain vivant avec une fille de joie, quel opprobre !
Jamais il ne voudrait reconnaitre leur enfant, jamais il n’oserait crier à la face du monde leur tendre vérité. Il a tant d’égards pour son métier et sa vocation qu’il ne prendrait le risque de paraitre dans une presse à scandale. Tant de réputation à protéger comme autant de vie privée à préserver.

Elle jeta un dernier coup d’œil sur quelques lettres restées insondables et se décidât à cheminer vers son destin.

Elle dut attendre une bonne demi-heure devant le cabinet du gynécologue. Perdue entre ses craintes et ses fantasmes, toisant les visages derrière le voile subtile de ses larmes.

18h !

Embouteillage !

18h15…

Il ne viendra pas.

Ses pas devenus subitement légers guidèrent sa volonté vers la dernière escale. Elle ne vivrait pas sans son enfant, et celui là jamais sans son père.

Un bruit strident retentit. Accident ! Comme toujours, des accidents, involontaires, capricieux coups du destin.

A quelques mètres de là ou elle se tenait raide depuis quelques longues minutes, un corps gisait étendu sur une chaussée se remplissant déjà de curieux passants.

Elle ne pouvait déceler de ce corps, définitivement inanimé, que le bout des chaussures, ses chaussures.

Il tenait dans ses mains une lettre.

Son cœur chavira et c’est là qu’elle reçut le premier coup de pieds de son enfant.

Atelier 'Ecrivons donc!'
26 Dec 2008

lundi, mai 11, 2009

Couleurs










Mohamed Melihi

Elle se mire devant sa glace depuis une bonne demi-heure. Le temps file. Elle risque de rater le transport du personnel, mais qu’à cela ne tienne, elle s’offrira le luxe d’un taxi.

Ces couleurs vives lui renvoient une image resplendissante qu’elle ne se connaissait pas. C’est beau, délicat, revivifiant même ! Ses doigts pianotent impétueusement sur ses pommettes fardées. Des caresses espiègles qu’elle s’octroie en renvoyant un large sourire à son propre reflet.

Non, décidément le rouge n’est pas le bon choix!

C’est pourtant sa couleur préférée. Elle aime à la contempler au coucher du soleil sous ses différents spectres. Elle se laisse souvent tenter par des roses rouges qu’elle met un effort particulier à soigner, nourrir, cajoler presque. Une véritable passion…

Un regard rapide sur sa paire de chaussures rouges qu’elle n’a jamais osé mettre…

Non, pas le rouge, trop criard !

Elle s’essaye alors au lilas. C’est doux, tendre à souhait. Cela fait même ressortir la délicatesse de sa peau diaphane. Cette image fine de son propre visage l’intrigue. Elle décèle dans son reflet une certaine faiblesse qu’elle ne veut point s’avouer...

Le vert alors ?

Comme ce printemps qui la nargue en l’invitant à sortir de son propre corps, voler, s’évader, s’évanouir dans la nature, s’épanouir…

Son regard ébloui, illuminé, embrassa rapidement les contours de cette chambre morose et s’assombri d’un coup.

L’orange ferait certainement ressortir ce qu’elle est le plus. Une belle jeune femme au cœur généreux, plein de grandeur. Une femme libre et équilibrée qui prône l’esprit et ses vertus au-delà des apparences et des préjugés…

L’horloge sonne déjà huit heures. Elle se revoit en rouge, lilas, vert, orange…que de belles couleurs, tout ce qu’elle aurait voulu et qu’elle peine tant à obtenir.

Elle se dénude les cheveux, les fais couler sur ses épaules tels une cascade de jade.

Un dernier soupir avant de se voiler de noir. Pas une mèche n’y échappe, pas une once de chaire, si ce n’est un visage pâle et des mains hésitantes.

Ses jambes la guidèrent alors, impétueusement, loin de cette image enluminée qui continue à la hanter…

vendredi, avril 24, 2009

Photo de famille

Une porte infranchissable me fait face, obturée avec des cadenas rouillés, restés déverrouillés depuis un lustre.

Quand je m’apprêtais à quitter cette maison, seule l’envie de fuir était de rigueur. Je n’avais ni souvenirs à regretter, ni meubles à emporter. Je désirais seulement quitter au plus vite les lieux.

Aujourd’hui en trainant les pieds devant ces ruines du passé, une seule image me turlupine, la photo de famille restée accrochée sur le mur, seule dans un fouillis de meubles délabrés et quelques verres brisés. Abandonnée avec préméditation, elle s’est longtemps vengée en m’affligeant les pires cauchemars.

Je n’ose décadenasser la porte. Je déambule pendant de longues minutes dans le quartier baigné de lumière blafarde, en me remémorant les moindres détails de cette fantomatique image de mon passé. La photo de famille.

Grand-père

Il avait fait toutes les guerres de son temps. Il m’a obligé à mener celles du mien. Un homme doux, attentif, gai et fichtrement drôle, surtout quand il s’amusait à enlever sa dentition pour caricaturier un à un ses vieux compagnons, venus le consoler de son immobile solitude dans un fauteuil roulant. Il se voulait taquins, mais se montrait parfois cruel. Il devait oublier que ses dents à lui n’étaient qu’artifice.

Je l’aimais. Un jour on le découvrit gisant au bas de l’escalier. Son fauteuil brisé, sa nuque brisée. Mon premier amour en mille pièces.

Il n’approchait jamais les escaliers. Il en avait une peur bleue, conscient qu’une minuscule erreur de manipulation pouvait causer sa mort.

Je ne l’ai jamais pleuré. Je n’aime pas les suicidés.

Tante crétine

Une dame un peu fofolle, sans âge, héritage de je ne sais plus quel lien familiale enseveli. On disait qu’elle était mariée à un oncle éloigné du mari d’une tente, mais jamais je ne puis déceler notre véritable filiation. Elle était bête, crétine même, et on s’amusait à en faire notre objet de raillerie quand elle n’était pas simplement un objet du décor.

Je lui étais indifférente. Un jour elle parti, errante à son habitude dans les grands boulevards de la ville. Elle ne revint pas, quand deux jours après on la retrouva morte, de froid m’avait-on raconté, dans une rue suspecte.

Les méchantes langues racontaient qu’elle s’était tout simplement jetée dans les bras d’un quelconque malotru avant de périr de froid.

Je l’ai vite oublié. Elle connaissait le chemin du retour, même après une crasseuse caresse d’un goujat. Je n’aime pas les suicidés.

Père

Il avait le vice dans le sang. Son sang était vin, ses poumons une décharges où des herbes diverses enfumaient jusqu’à son regard absent. Il aimait de surcroit les prostituées. Les bars, les filles, les maisons clauses, le vin, quelques membres cassés de loin en loin à cette boule de chair lui faisant office de légitime femme et les bars encore.

Sa vie était vaine, son présent et future de pures vétilles.

Je ne l’aimais guère. On l’avait retrouvé pendu dans sa chambre. Je n’ai jamais cherché à comprendre, même pas à savoir. D’ailleurs je n’aime point les suicidés.

Mère

Une boule de chair informe. Elle était pourtant pleine de charité et de gentillesse envers tous, expiant à elle seule les péchés innombrables de son infâme entourage.

Quand elle ne passait pas sa journée à pleurer, elle s’entourait de ses enfants comme une chatte, les cajolant, les caressant, les léchant presque.

C’était pathétique, mais je l’aimais. J’aimais ses excès de folie maternelle que je trouvais attendrissant. Je la plaignais d’être venue au monde pour souffrir les maux des autres, continuer à essayer de leur insuffler la vie, la mort à l’âme.

Un jour, alors qu’elle avait retrouvé un semblant de sérénité après le suicide de père, elle se rempli la bouche de poudre insecticide et arrêta de respirer.

J’avais déversé deux larmes de joies à sa mort. La délivrance d’une personne que j’aimais désormais un peu moins vue que j’ai toujours détesté les suicidés.

Frère

Il avait dix ans quand je dus le prendre en charge. Je l’avais élevé tant bien que mal, avec les moyens de chaque jour. Il fit des études, grandi, ne s’épanoui jamais.

Lui, avait vraiment le mal de vivre. Je n’avais aucun doute sur sa fin, tant et si bien que lorsqu’il se jeta de la fenêtre en se fracassant la tête, je n’éprouvai qu’une satisfaction d’une prédiction réalisée.

Mes sentiments restaient mitigés, entre tristesse subite et regret. Je fini par basculer dans un soulagement profond imprégné d’indifférence salvatrice.

A quoi bon des larmes et des regrets. Il a fait un choix que je n’approuve pas. Je n’assume point sa décision et je m’obstine à ne pas aimer les suicidés.


Moi

Je n’étais pas sur la photo. C’est moi qui l’ais prise. D’ailleurs je ne voulais pas être immortalisée en photo de famille avec des suicidés.


Mes souvenirs tiraillés, je revins sur mes pas. Cette fois nulle hésitation ! J’ouvre les cadenas rouillés, pousse la lourde porte, prend une bouffée d’air frais et arrête de respirer le temps de traverser le vestibule, décrocher la photo entourée de toiles d’araignées, rebrousser chemin vers la lumière du jour contrastant effroyablement avec ce gouffre brumeux qu’était jadis ma maison.

Une fois les portes du passé refermés, cadenassés de nouveau, je me mire quelques instants encore devant cette photo. Je tenais tant à la récupérer qu’au bout de cinq ans je me suis enfin résignée à revenir la chercher. Je ne pouvais plus laisser la photo de Minou dans cette maison de suicidés.

Mon pauvre chat avait eu la très mauvaise idée de se dandiner devant le décor au moment même ou j’appuyais sur le déclencheur…

Revenir

Elle faisait souvent ce rêve sournois de remonter le fleuve jusqu’à la naissance de la fontaine, à contre courant, précédant les anadromes se ruant dans une course effrénée pour se reproduire, pour qu’adviennent la vie, la création et la déchéance.

Elle voulait retrouver les sources du Cocyte, se laisser immerger par les flots des enfers, périr et se muer en une Vénus immortelle, tenter à jamais les mâles pour noyer les larmes salées et ses maux, composer des poèmes pour faire couler, en douce, les mots.

Et ses envies de vie et de mort se confondaient, divergeaient, se rejoignaient dans l’infini et faisaient de ses rêves de nuits, de ses fantasmes du jour, une fresque d’images floues, une frasque, un abîme jamais sondé, une brèche sans fond dans les tréfonds de son âme.

Et ses courses démesurées pour rattraper le temps, pour faire couler le moment présent dans le moule de la durée, se muaient en une danse langoureuse avec les loups, les chiens de chasses, les louves intrépides, les mollusques gluants, tous les parias de son Eden, jadis enchanté.

Elle trépidait de colère, grelottait de solitude, vibrait l’angoisse de l’amour, la mort et les remords, et se laissait, volontiers, emporter par les flots incohérents du hasard, l’ingénuité nigaude d’un destin sans imagination, les caprices d’une vie salace et d’un cœur qui se lasse.

Elle ne voulait plus que partir, mi-consciente, mi-aveugle, rejoindre les limbes de l’oubli, noyer le souvenir dans des marres vitreuses de spiritueux herculéens, verser ses ondes refroidies devant l’autel de la vengeance, atteindre les limites de la souffrance et perdre sa mi-conscience.

Et de ses compagnons saumons elle fit âmes compatissantes, braves amphibiotiques rabattant les houles, fidèles ascètes se vouant au culte de l’amitié du désespoir, immuables repères dans la déperdition de l’instant, de sa course effrénée, contre courant, remontant le temps, défiant les innommables mépris de la fortune.

Et de ses ires elle fit défouloirs de ses tripes congestionnées, exutoires de l’infâme appétence qu’elle avait pour les vices, les caprices, les incartades de vile essence. De ses craintes, des livres qui ne faisaient qu’approfondir son désarroi, ébranler ses certitudes, effriter le restant de ses feuilles mortes fredonnant une chanson d’automne.

Elle remonta le fleuve, partit à la recherche de cette immonde elle, la retrouva, la berça, la rassura et revint à la vie, par une nuit étoilée, sans le soupçon d’un remord, sans ses regrets vétilles et ses soupirs fortuits.

Elle partit au crépuscule et revint tout juste avant le lever du soleil.

Atelier 'Ecrivons-donc' - Le 25 Novembre, 2008

PS: Finalement, il y a déjà eu une première visite et c'est Frankie qui risque d'être déçu. Ce n'est plus si évident..d'impressionner.

lundi, avril 20, 2009

Chez le bouquiniste















J’errais sans but précis par cette déconcertante journée printanière. Le temps indécis comme mes pas, valsait entre de fragiles nuages et quelques intrépides rayons de soleil, chatoyant mes jambes, prématurément dénudées.

J’aime à être caressée par le soleil. J’abhorre les nuages. Depuis toujours d’ailleurs, mon humeur est sujette aux aléas de la météo. Je n’y puis absolument rien, je reste fondamentalement d’ascendance flammèche.

Ma dépendance du soleil, à raconter, pourrait me faire noircir bien des pages, moi qui suis en manque constant d’inspiration, mais là n’est évidement pas le sujet.

Je déambulais donc sans but, quand l’envie me saisit d’aller feuilleter quelques livres délabrés, chez un bouquiniste perdu dans les étroites ruelles du quartier.

En persévérant pendant plus d’une demi-heure, j’arrive enfin devant cette petite boutique pleine à craquer de livres et de revues poussiéreux. J’entame une autre errance; des classiques dont j’ai seulement entendu parler et que je n’ai jamais lu, car ayant commencé à lire sur le tard, j’en ai raté bien des connus et d’autres essentiels à une tant soit peu orthodoxe base littéraire. Sans grand regret d’ailleurs, j’aime à être marginale…mais là aussi n’est pas le sujet.

Je ne m’arrête cependant que devant des livres que je reconnais. Une petite pause devant une série de Robert Sabatier, ‘David et Olivier’, ‘Olivier et ses amis‘, ‘Les allumettes suédoises’, ‘Trois sucettes à la menthe’...hmm, c’était à la fois amusant et tendre. Je regrette mes dix huit ans.

Ah tiens, Danielle Steel ! Moi l’autre, naïve, pucelle, avait déversé quelques chaudes larmes il y a une décennie. Que c’était bête ! Mais non, ‘L’anneau de Cassandra’ était si saisissant. Je me souviens qu’à l’époque, le prince charmant ne pouvait être qu’un militaire allemand, Manfred ! Je me rêvais en Ariana même si j’étais consciente qu’en terme de poids il me fallait perdre une autre moi. Que c’était bête !

‘Bonjour tristesse’ m’attire comme un aimant. Je le prends, le caresse, le renifle presque. Ça m’emplit de nostalgie. ‘Un sang d’aquarelle’…comme j’aurais voulu en avoir, vivre une double vie, tragédie, comédie, extravagance et replis. Hmm, et cet autre ‘Derrière l’épaule’, un délicieux voyage aux côté de Françoise. Je l’aime. C’est dommage, de Françoise Sagan que des livres connus, en éditions plutôt anciennes, mais pas la moindre trace de ceux non réédités. Sur la même étagère pourtant, un livre crasseux m’interpelle. ‘Des bleus à l’âme’, édition Flammarion 1972…la première et probablement la toute dernière. Je cache mon petit bonheur et je prends le tas de feuilles rongés par les mites sous les aisselles. Je n’aime point partager mon bonheur… tiens ! Je comprends pourquoi l’inspiration se fait rare.


Je me décide péniblement à bouger de quelques pas. Un malotru sans vergogne me pousse des coudes pour prendre ma place devant la section S, et c’est là que je me retrouve devant les M. Soit !

Maalouf ? Ah ! Un seul livre. Un peu bizarre d’ailleurs. J’ai un souvenir très net de la couverture, Samarcande ayant été pendant un été, le livre de chevet de mon amant. C’est l’amant qui a existé pendant un été, le livre, lui, avait pris sa place sur sa commode depuis ses 14 ans parait-il. Je souris, aux souvenirs de…non, dans un lieu publique, et là je lance un regard oblique à mon voisin, je me dois de rester sobre. Il a un joli profile…et de longs doigt si fins…eh zut !

Samarcande, édition 2000…ça va encore, mais…’Casbah Editions, Alger’ ? Décidément, il me faut du Camus !

Je m’éloigne du beau garçon avec quelques regrets, je m’étais laissée tentée pendant quelques instants par des regards dérobés sur ses cheveux soignés aux reflets de soleil. Pourtant Dieu sait si j’aime les bruns…

Camus. Mes doigts frôlent ‘Noces’ et j’ai le gout de la pêche. Mon regard transperce ‘L’étranger’ et je me rappelle mes folies. J’aperçois ‘Le premier homme’ et le sentiment d’impuissance me pénètre. Un livre inachevé, Camus qui écrit, raye, efface, réécris, réfléchis, rêve, s’auto-raille. Un livre que je ne pourrais jamais écrire. Finalement, même si j’aime la femme…Françoise, j’aime encore plus l’homme…Albert.

« Alors SSi Omar, vous avez trouvé quelque chose aujourd’hui ? »

J’émerge doucement de ma rêverie pour tomber sur les yeux du voisin, rieurs, amusés, rétorquant au bouquiniste qu’il ne pouvait trouver plus aujourd’hui qu’il n’ait trouvé la veille.

J’avais encore dans la main l’édition algéroise de Samarcande. L’opportuniste en moi saisit l’occasion sans autre forme de délicatesse.

« Samarcande serait être une bonne trouvaille, si ce n’est des retrouvailles…et puis Omar ne pourrait que continuer à vous intriguer si vous avez déjà eu le plaisir de le croiser. Sinon, vous devriez le faire, ne serait-ce que dans cette première vie… »

Avec le même sourire aux yeux, le rictus au coin de ses lèvres devint subtilement diabolique quand il murmura : « Une vie, ou trois ou sept, je les traverserais toutes comme je traverse celle-ci, étendu sur cette terrasse, ma main dans…les cheveux de Djahane. N’est ce pas qu’à elle seule, elle vaut le paradis et les enfers ? Un café ? »

J’acquiesce en le précédant sur le pas de la boutique. J’avais déposé ‘Samarcande’ sur ‘Des bleus à l’âme’ en pensant revenir les chercher le lendemain.

On s’arrête une seconde devant le pas de la boutique, je me retourne et la revoie baignée dans un halo de lumière poussiéreuse. Quelques Arlequins avec des unes suggestives trainaient en masse finalement dans cette petite grotte secrète…

Hmmm ‘murmura-il’…

dimanche, avril 19, 2009

Welcome to Hell




















"Nous avons le grand plaisir de vous convier à notre journée portes ouvertes.
Venez munie de vos espoirs et vos rêves enfouis.

Tenue non exigée, sauf si vous n’êtes pas épilée.

Cordiales salutations.
Frankie, Directeur Commercial des Jardins d’Eden

-- Go green – Think before you print

PS : Joe le taxieur vous attendra aux bords des limbes pour vous conduire à destination."



Et dire que je désespérais de la recevoir cette invitation. J’avais eu la vanité de croire un jour que j’allais y avoir droit de facto, puisque j’étais pensante. Eh ben non, rien n’y fait. C’est au moment même que je lâche complètement prise et que je m’associe publiquement avec Le Bel, que je fini pas la recevoir.

Je me décide tout de même à accepter. Il n’est jamais trop tard pour bien faire, même quand c’est un signe de faiblesse, m’aurait on dit !

Je m’épile alors, à la cire brulante pour à la fois m’expier les pores en stimulant les signes de ma virilité, mais aussi et surtout pour souffrir. Allez, une bonne dernière fois avant de baigner dans le bonheur céleste.

Je m’allonge ensuite toute nue sur mon lit et j’attends.

Je sais que Joe sera sur les limbes à m’attendre, mais je ne sais guère comment m’y rendre.

Mon attente dure, se fait de plus en plus pénible dans la conscience de mon ignorance. Je regrette alors les longues nuits passées à dormir au lieu de cultiver le chemin, celui des voies parallèles qui mènent à la félicité. Tout commence par une provocante pénétration, de la lumière, de l’air, de l’essence même de la violence, et soudain le fil saute, celui même qui sépare l’insoutenable et l’infiniment agréable.

Et ce fut comme une illumination, dans mes idées sombres, dans cette obscure nuit sans lune. Au lieu d’aspirer à l’élévation, tentons la descente, les limbes n’étant d’ailleurs que le fin fil entre paradis et enfer.

Ainsi menai-je les rênes de la nuit, la maltraitant, m’exultant de ses gouffres. Ramenant à mon souvenir les pires moments, ricanant sous cape de ma propre bêtise.

Et je coule, jusqu’au fond du gouffre plaisant de l’insouciance, jusqu’aux tréfonds de mon autre âme subtile, insondable. Jusqu’au ciel, reflet discret, abyssal, des abîmes terrestres.

Et dans cette descente, une voix rauque chantait, inépuisable, «Tout est permis, rien n’est vrai ». A l’entendre, je suis d’abord confuse, saisie d’une peur brusque, et puis comme par magie, lorsque je fini par m’en accoutumer, la voix devient subtilement mienne. Je répète les mêmes mots, je les souffle, les respire, les ingurgite et ils deviennent miens.

Je souris à chaque silence ;
« Tout » sourire devant l’immensité de ma petitesse.
« Est » sourire à ce « Je suis » encore, pour quelques temps, pour cinq ans ou l’éternité.
« Permis » sourire à cet interdit qui me nargue et que je dénigre.
« Rien » sourire à mon tout, car après moi, le néant.
« N’est » sourire à ma propre niaiserie qui a jadis confondu être et vouloir l’être.
« Vrai » sourire aux premières prémices des limbes majestueuses qui s’offre à mon regard sanglant.

C’est alors que mon rire sonore, parti de plus bel, couvrant le tapage de l’enfer et la sérénité pesante des jardins, finit par avertir Joe de mon arrivée.

Avec son air nonchalant, sa posture arquée, son regard balayant du haut des mures des limbes, les deux mondes, il donnait l’impression d’avoir attendu une éternité.

Je m’avance vers lui.

Moi : « Joe ? C’est toi ? Tu m’attends, n’est ce pas ? »
Lui : « Mademoiselle est en retard ! »
Moi : « Ce n’était pas si évident de trouver le subterfuge. J’ai du mourir mille fois, pleurer mon corps et mon âme à l’infini, transcender toutes les lois terrestres pour en venir à bout de ce chemin »
Lui : « Bigre ! J’entendais ton rire »
Moi : « Alors c’était vrai ? »

Son sourire narquois me rappela alors mes chants. Non, rien n’est vrai !

Moi : « On y va ? »
Lui : « De quel côté ? »
Moi : « Là où on s’ennui le moins »

Un sourire franc illumina son visage cette fois-ci, il se courba du côté de l'enfer, cria très fort : « C’est bon Frankie,….C’est Booooooonnn »

Et l’écho de sa voix rauque raisonna au-delà même des jardins paisibles, dérangeant, dans leur somnolence, quelques houris de cire…

PS1 : -- Go green – Think before you print – sinon on manquerait tous d’ombres, là où il fait vraiment chaud.

PS2: Le Bel un jour me vint en rêve pour me demander d’être son élève, j’ai répondu que j’apprenais tellement vite au risque de le devancer. Alors il me demanda de l’appeler…Papa !

lundi, mars 02, 2009

غزة 2009

Monsieur Antonio LÓPEZ PEÑA m’a fait le grand plaisir de m’envoyer son poème sur Gaza pour le partager avec les lecteurs de ce blog. Je le publie donc en le remerciant vivement pour sa confiance. Bonne lecture.

غزة 2009

سَمَّرتم أقدامي للأبد
في هذه الأرض، أمّي وسيّدتي
في هذه الأرض التي خلعتم مني
سيبقى دائماً جسدي
ستبقى دائما أرضي

في هذه الأرض المنكوبة
حيث انتشرَتْ رائحةُ خبزي،
وحيث كان أطفالي ينتظرون رجوعي،
المقهى والأصدقاء،
لم يَبْق لي منهم إلا الحجارة
حجارةٌ بلا سوسنٍ

انظروا إلى ما فعلتم بحقولي
حوّلتموها إلى سِجْنٍ حَزين
وأفقي المحدود
عكّرتموه بالأسلاك الشائكة
فأضْحَت سمائي أبواباً مغلقة

عيونُ الأمهات منهوكةٌ
من كثرة البكاء
لم يبق لها دمْعٌ بعد الدخان
الدروب والمداخل مغلقة
لا أرى مكانا للمستقبل
في هذا اليوم الذي يقتلنا،
لم تتركوا لي بيتاً ولو من شعر

على هذه الأرض المنكوبة
غصنُ زيتون،
أشبار من بستان على التل،
وسربُ حمام
هم كنزي الوحيد
منعتموني منه مرات عديدة ولوقت طويل.
لكن الآن
ابتسامتي الأخيرة ترتسم على جمجمتي
لتسخر من كراهيتكم العاجزة

في هذه الأرض المسروقة لا تزال
ستبقى عِظامي إلى الأبد،
ستبقى دائما أرضي
تحت هذه الحجارة لا يُسمع صوت المدفع
ولا تصل الكراهية

سأنام على جذور السوسن
التي طالما حلمتُ بها
الورد التي آمل أن يُضيء
عيونَ الأمهات اللائي بقين
عيونَ الذين
يوما ما
ينشئون من جديد
منازل وحدائق
ويمسحون السّياج الحزين
من هذا الأفق الجديد
الذي حلمتُ به
مفتوحاً للجميع.


انطونيو
بركسل 2009-02-02

vendredi, janvier 09, 2009

Que vaut mon mot?

Que vaut ma solitude ?
Que vaut le monde d’ailleurs ?

Ma demeure n’est pas ruines
Mon âme, elle, git sous ce leste
D’un inconscient furieux
D’un silence traversant mes murs
D’une envie de meurtre ou de suicide
De mille autres ires et un rire

Que vaut mon ermitage ?
Que valent ces arbres dansant au vent ?

Mon cœur suffoque sous son poids
L’omerta
Mon verbe se conjugue au passé
Glorieux, Khayyâm, Avicenne
Sombre, défaite, génocide
Limpide, une marre de sang
Simple, un insecte qui disparait

Que vaut mon mot orphelin ?
Que vaut ma solitude au vent, parmi les Hommes ?

Sonnettes, sornettes, soi-disant
Ma voie, ma voix
Mon heure est à sa fin
Et à cette faim des autres
Etres conscients, âmes vivantes
Cris vrais, retour à la source
L’Homme c’est toi
Pauvre Homme sur une terre de déchus.

mercredi, janvier 07, 2009

L'espoir














Tu te sens impuissante, dégoutée, malade.
A force de regarder ce drame pendant toute une vie, tu n’en peux plus. Tu ne veux plus supporter de toiser des enfants démembrés et des visages calcinés. Tu refuses farouchement de regarder les images qui défilent en boucle et tu affronte continuellement le regard des autres qui te disent sans cœur.
Qu’il en soit ainsi.
Tu voudrais par contre faire quelque chose. Oui agir ! C’est tout aussi simple à dire que de continuer à calmer une conscience pataugeant dans le confort.
Tu poses des questions, à toi souvent, et des fois aux autres, sur quoi faire. Tu n’obtiens pas de réponses qui te satisfassent.
Certains disent prier, d’autres revendiquer, s’insurger, crier des slogans, faire des dons…mais ? Tu continues à te sentir impuissante.
Et des fois, tu tournes juste le dos à toute cette histoire et tu te dis…c’est loin, ce n’est pas ta vie, ce n’est pas ton quotidien.
Et tu te réveilles ensuite avec ce sentiment d’impuissance qui n’en devient que plus puissant.
Ensuite, tu regardes autour de toi, tu vois la vie de ton amie d’enfance qui, elle, a toujours les mêmes convictions, elle croit en sa cause et milite pour son peuple.
Tu t’inspires d’elle pour t’insuffler de l’espoir. Elle n’est pas plus intelligente que toi, ni a plus de foi, elle a surtout évolué dans un environnement qui la submerge d’espoir, de convictions, d’envie de réaliser quelque chose pour elle et pour les autres.
A défaut d’avoir grandi dans un tel environnement, tu regardes ailleurs et tu te dis que ce sentiment de défaite ambiante ne peut que mener vers plus de défaite, que la victoire se mérite, et que les slogans sans actions ne sont voués qu’à raviver une colère enfouie…et tu sais très bien que la colère inhibe la pensée.
Alors là tu te dis que c’est fini ce sentiment d’infériorité, cet héritage de Nakba, cette défaite que nous trainons derrière nous en gros fardeau que nous léguerons ensuite à nos enfants.
Tu veux réagir, réfléchir, éduquer, faire connaitre une vérité ensevelis sous une tonne de propagande et surtout…surtout, tu veux garder l’espoir intact en toi, le transmettre à ton autre amie fatiguée, à ce collègue ennuyé par tant d’événements cruels, à ce voisin insouciant car se sentant impuissant….à ce monde qui oublie qu’on est ce qu’on FAIT !

A Fadwa!

jeudi, janvier 01, 2009

Fragments de songe














Venus - Botticelli


Devant l’autel de La femme, elle, l’insaisissable, l’ange démon, le rêve inassouvi…je l’ai vu s’agenouiller, égrener des perles mots à sa seule gloire, effluver son âme pour en faire un parfum nocturne l’embaumant de désirs, crier le plaisir de la rêver, jouir de son absence aux relents d’absinthe.

Une nuit qui n’en fini plus, prosterné devant la Venus aux cambrures enchanteresses, bravant l’étoile du nord, louant les ténèbres de son être assoiffé…je l’ai vu se relever, tête toujours baissée, âme perdue entre rêves et fuyante réalité, encrier empli de larmes et répandant ici et là quelques rares émeraudes germant en vers ensorcelants.

Et puis…inopinément, involontairement, je me retrouve dans son tourbillon. Ses cris, ses allers-retours, la joie, la jouissance, l’exaltation, les cris. Qui puis-je ? Je rentre en transe ! Me laisse envahir par ce mouvant, de la pensé, entre durée et moment. Le souffle coupé, je me fais entrainer par son rythme déchainé, et nous voilà…deux, prosternés, devant elle. Trois dieux ? Un esclave, un apôtre, et l’ultime déesse !

Essoufflés mais jamais repus, nous reprenons la route, sautillant d’étoile en astre, sur la voie lactée, explorant des trous noirs, engloutis par la lumière…lui, son dévoué, moi l’ascète d’une doctrine au gout acre-doux. La marche reprend après chaque halte, pour noyer le désir dans une quête interrompue d’un seul mot…celui en lequel jamais je n’ai cru, car Omniprésent, Omniscient…Ode à l’amour.

A Rachid...

 
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