lundi, avril 20, 2009

Chez le bouquiniste















J’errais sans but précis par cette déconcertante journée printanière. Le temps indécis comme mes pas, valsait entre de fragiles nuages et quelques intrépides rayons de soleil, chatoyant mes jambes, prématurément dénudées.

J’aime à être caressée par le soleil. J’abhorre les nuages. Depuis toujours d’ailleurs, mon humeur est sujette aux aléas de la météo. Je n’y puis absolument rien, je reste fondamentalement d’ascendance flammèche.

Ma dépendance du soleil, à raconter, pourrait me faire noircir bien des pages, moi qui suis en manque constant d’inspiration, mais là n’est évidement pas le sujet.

Je déambulais donc sans but, quand l’envie me saisit d’aller feuilleter quelques livres délabrés, chez un bouquiniste perdu dans les étroites ruelles du quartier.

En persévérant pendant plus d’une demi-heure, j’arrive enfin devant cette petite boutique pleine à craquer de livres et de revues poussiéreux. J’entame une autre errance; des classiques dont j’ai seulement entendu parler et que je n’ai jamais lu, car ayant commencé à lire sur le tard, j’en ai raté bien des connus et d’autres essentiels à une tant soit peu orthodoxe base littéraire. Sans grand regret d’ailleurs, j’aime à être marginale…mais là aussi n’est pas le sujet.

Je ne m’arrête cependant que devant des livres que je reconnais. Une petite pause devant une série de Robert Sabatier, ‘David et Olivier’, ‘Olivier et ses amis‘, ‘Les allumettes suédoises’, ‘Trois sucettes à la menthe’...hmm, c’était à la fois amusant et tendre. Je regrette mes dix huit ans.

Ah tiens, Danielle Steel ! Moi l’autre, naïve, pucelle, avait déversé quelques chaudes larmes il y a une décennie. Que c’était bête ! Mais non, ‘L’anneau de Cassandra’ était si saisissant. Je me souviens qu’à l’époque, le prince charmant ne pouvait être qu’un militaire allemand, Manfred ! Je me rêvais en Ariana même si j’étais consciente qu’en terme de poids il me fallait perdre une autre moi. Que c’était bête !

‘Bonjour tristesse’ m’attire comme un aimant. Je le prends, le caresse, le renifle presque. Ça m’emplit de nostalgie. ‘Un sang d’aquarelle’…comme j’aurais voulu en avoir, vivre une double vie, tragédie, comédie, extravagance et replis. Hmm, et cet autre ‘Derrière l’épaule’, un délicieux voyage aux côté de Françoise. Je l’aime. C’est dommage, de Françoise Sagan que des livres connus, en éditions plutôt anciennes, mais pas la moindre trace de ceux non réédités. Sur la même étagère pourtant, un livre crasseux m’interpelle. ‘Des bleus à l’âme’, édition Flammarion 1972…la première et probablement la toute dernière. Je cache mon petit bonheur et je prends le tas de feuilles rongés par les mites sous les aisselles. Je n’aime point partager mon bonheur… tiens ! Je comprends pourquoi l’inspiration se fait rare.


Je me décide péniblement à bouger de quelques pas. Un malotru sans vergogne me pousse des coudes pour prendre ma place devant la section S, et c’est là que je me retrouve devant les M. Soit !

Maalouf ? Ah ! Un seul livre. Un peu bizarre d’ailleurs. J’ai un souvenir très net de la couverture, Samarcande ayant été pendant un été, le livre de chevet de mon amant. C’est l’amant qui a existé pendant un été, le livre, lui, avait pris sa place sur sa commode depuis ses 14 ans parait-il. Je souris, aux souvenirs de…non, dans un lieu publique, et là je lance un regard oblique à mon voisin, je me dois de rester sobre. Il a un joli profile…et de longs doigt si fins…eh zut !

Samarcande, édition 2000…ça va encore, mais…’Casbah Editions, Alger’ ? Décidément, il me faut du Camus !

Je m’éloigne du beau garçon avec quelques regrets, je m’étais laissée tentée pendant quelques instants par des regards dérobés sur ses cheveux soignés aux reflets de soleil. Pourtant Dieu sait si j’aime les bruns…

Camus. Mes doigts frôlent ‘Noces’ et j’ai le gout de la pêche. Mon regard transperce ‘L’étranger’ et je me rappelle mes folies. J’aperçois ‘Le premier homme’ et le sentiment d’impuissance me pénètre. Un livre inachevé, Camus qui écrit, raye, efface, réécris, réfléchis, rêve, s’auto-raille. Un livre que je ne pourrais jamais écrire. Finalement, même si j’aime la femme…Françoise, j’aime encore plus l’homme…Albert.

« Alors SSi Omar, vous avez trouvé quelque chose aujourd’hui ? »

J’émerge doucement de ma rêverie pour tomber sur les yeux du voisin, rieurs, amusés, rétorquant au bouquiniste qu’il ne pouvait trouver plus aujourd’hui qu’il n’ait trouvé la veille.

J’avais encore dans la main l’édition algéroise de Samarcande. L’opportuniste en moi saisit l’occasion sans autre forme de délicatesse.

« Samarcande serait être une bonne trouvaille, si ce n’est des retrouvailles…et puis Omar ne pourrait que continuer à vous intriguer si vous avez déjà eu le plaisir de le croiser. Sinon, vous devriez le faire, ne serait-ce que dans cette première vie… »

Avec le même sourire aux yeux, le rictus au coin de ses lèvres devint subtilement diabolique quand il murmura : « Une vie, ou trois ou sept, je les traverserais toutes comme je traverse celle-ci, étendu sur cette terrasse, ma main dans…les cheveux de Djahane. N’est ce pas qu’à elle seule, elle vaut le paradis et les enfers ? Un café ? »

J’acquiesce en le précédant sur le pas de la boutique. J’avais déposé ‘Samarcande’ sur ‘Des bleus à l’âme’ en pensant revenir les chercher le lendemain.

On s’arrête une seconde devant le pas de la boutique, je me retourne et la revoie baignée dans un halo de lumière poussiéreuse. Quelques Arlequins avec des unes suggestives trainaient en masse finalement dans cette petite grotte secrète…

Hmmm ‘murmura-il’…

2 comments:

betty a dit…

Houda, ma chère, ça sent la poussière chez toi ;)
Franchement, j'ai eu la mm idée cet après-midi en sortant du bureau sous un soleil très chaud mais tendre à la fois..
Sauf que , contrairement à toi j'ai enterre le désir naissant en moi de m'arrêter chez le bouquiniste, pour arriver à temps chez moi ;)
Aji, je te propose de re-commencer par Noces.. tout comme je le fais actuellement :)
bises

Mohamed Saïd a dit…

La madeleine de Marcel, le rire de Louis Ferdinand, le goût du pain de Mohamed, les vapeurs de hammam de Tahar, la presqu'île de Michel ou la presqu'elle de Françoise... J'ai longtemps eu la peur de lire, pour ne pas tomber dans la folie, et j'ai perdu bien du temps. Voilà ce que je me dirais sans doute, dans doute: ce que j'étais bête... :-)
Merci pour ce beau voyage

 
Design by Free WordPress Themes | Bloggerized by Lasantha - Premium Blogger Themes | Hot Sonakshi Sinha, Car Price in India