dimanche, mai 17, 2009

Chaussures...

« Nous nous sommes aimés, âmes et corps. Il est l’aboutissement d’une nuit d’amour et nous en eûmes tant. Tant d’amour que je veux faire fondre cette nuit de lumière blanche comme toutes les autres de mes cris de plaisir. Tant de plaisirs que je veux lui procurer celui d’une naissance dans la reconnaissance.
Serais-tu prêt à rendre public ce qui fut notre doux secret ? Voudrais-tu lui donner ton nom ?
Je regrette de te l’annoncer ainsi, mais notre enfant git en moi avec la peur de me quitter sans te retrouver. Je ferais en sorte de le lui épargner et de partager son sort…quel qu’il soit !
J’ai rendez-vous chez le gynéco pour avorter à 18h. Viens m’en empêcher.»

Elle glissa ce billet dans la poche de sa veste, mis ses chaussures du jour pas loin du lit, déposa un tendre baiser sur ses lèvres entrouvertes et partit, aérienne, trainant sa lourde valise.

Elle avait longuement admiré ses chaussures avant de s’en aller. Elle les aime ces chaussures visiblement, toutes, plus que tout autre objet lui appartenant, plus que toutes leurs photos ensembles. Ses chaussures lui rappellent les longues ballades en bord de mer, les courses improvisées pour atteindre un point fictif, ses pas appuyés, rassurants, quand il rentrait la rejoindre tout les soirs.

Elle s’en alla sans se retourner, franchit le pas de la maison avec sur les lèvres une prière secrète. Pourvu qu’il continuât à la rejoindre, toujours, mais surtout ce soir.

Elle ne savait trop quoi faire de sa journée. Son rendez-vous avec le gynéco lui parut être le commencement d’une autre vie qu’elle voudrait ajourner à jamais. Elle se décidât à vivre jusqu’au bout celle qu’elle tenait encore en main.

Dans sa rue encore déserte à cette heure de la journée, elle flânait sans savoir ou aller. Un tronc d’arbre se frotta inopinément à son bras droit et l’enlaça. Un vent léger vint ensuite déposer un baiser divin sur son cou nu, et quelques feuilles mortes, qu’elle piétina involontairement, commencèrent à gémir.

Ses pas la guidèrent vers le parc. Assise sur un banc bariolé de graffitis que les jeunes du quartier s’amusaient souvent à ébaucher ici et là, elle se complut à décrypter les messages d’amour codés, les invectives contre les autorités, les slogans de révoltés, un tas de lettres indéchiffrables…Comme ses souvenirs confus, comme ce rendez-vous incertain.

Ses pensées la torturèrent interminablement, la malmenèrent sans pitié aucune, et la menèrent sur des sentiers tantôt effrayants, tantôt emplis de joies éphémères. Elle craignait le pire et ne pouvait s’empêcher d’escompter le meilleur…lui au rendez-vous.

Le soleil commençait à décliner vers l’horizon qu’elle se rendit enfin compte du temps, de l’espace, d’elle, une présumée coupable attendant la sentence.

Il l’avait longtemps tenu loin de sa vie public, loin de sa famille et de ses amis. Lui l’illustre écrivain vivant avec une fille de joie, quel opprobre !
Jamais il ne voudrait reconnaitre leur enfant, jamais il n’oserait crier à la face du monde leur tendre vérité. Il a tant d’égards pour son métier et sa vocation qu’il ne prendrait le risque de paraitre dans une presse à scandale. Tant de réputation à protéger comme autant de vie privée à préserver.

Elle jeta un dernier coup d’œil sur quelques lettres restées insondables et se décidât à cheminer vers son destin.

Elle dut attendre une bonne demi-heure devant le cabinet du gynécologue. Perdue entre ses craintes et ses fantasmes, toisant les visages derrière le voile subtile de ses larmes.

18h !

Embouteillage !

18h15…

Il ne viendra pas.

Ses pas devenus subitement légers guidèrent sa volonté vers la dernière escale. Elle ne vivrait pas sans son enfant, et celui là jamais sans son père.

Un bruit strident retentit. Accident ! Comme toujours, des accidents, involontaires, capricieux coups du destin.

A quelques mètres de là ou elle se tenait raide depuis quelques longues minutes, un corps gisait étendu sur une chaussée se remplissant déjà de curieux passants.

Elle ne pouvait déceler de ce corps, définitivement inanimé, que le bout des chaussures, ses chaussures.

Il tenait dans ses mains une lettre.

Son cœur chavira et c’est là qu’elle reçut le premier coup de pieds de son enfant.

Atelier 'Ecrivons donc!'
26 Dec 2008

lundi, mai 11, 2009

Couleurs










Mohamed Melihi

Elle se mire devant sa glace depuis une bonne demi-heure. Le temps file. Elle risque de rater le transport du personnel, mais qu’à cela ne tienne, elle s’offrira le luxe d’un taxi.

Ces couleurs vives lui renvoient une image resplendissante qu’elle ne se connaissait pas. C’est beau, délicat, revivifiant même ! Ses doigts pianotent impétueusement sur ses pommettes fardées. Des caresses espiègles qu’elle s’octroie en renvoyant un large sourire à son propre reflet.

Non, décidément le rouge n’est pas le bon choix!

C’est pourtant sa couleur préférée. Elle aime à la contempler au coucher du soleil sous ses différents spectres. Elle se laisse souvent tenter par des roses rouges qu’elle met un effort particulier à soigner, nourrir, cajoler presque. Une véritable passion…

Un regard rapide sur sa paire de chaussures rouges qu’elle n’a jamais osé mettre…

Non, pas le rouge, trop criard !

Elle s’essaye alors au lilas. C’est doux, tendre à souhait. Cela fait même ressortir la délicatesse de sa peau diaphane. Cette image fine de son propre visage l’intrigue. Elle décèle dans son reflet une certaine faiblesse qu’elle ne veut point s’avouer...

Le vert alors ?

Comme ce printemps qui la nargue en l’invitant à sortir de son propre corps, voler, s’évader, s’évanouir dans la nature, s’épanouir…

Son regard ébloui, illuminé, embrassa rapidement les contours de cette chambre morose et s’assombri d’un coup.

L’orange ferait certainement ressortir ce qu’elle est le plus. Une belle jeune femme au cœur généreux, plein de grandeur. Une femme libre et équilibrée qui prône l’esprit et ses vertus au-delà des apparences et des préjugés…

L’horloge sonne déjà huit heures. Elle se revoit en rouge, lilas, vert, orange…que de belles couleurs, tout ce qu’elle aurait voulu et qu’elle peine tant à obtenir.

Elle se dénude les cheveux, les fais couler sur ses épaules tels une cascade de jade.

Un dernier soupir avant de se voiler de noir. Pas une mèche n’y échappe, pas une once de chaire, si ce n’est un visage pâle et des mains hésitantes.

Ses jambes la guidèrent alors, impétueusement, loin de cette image enluminée qui continue à la hanter…

vendredi, avril 24, 2009

Photo de famille

Une porte infranchissable me fait face, obturée avec des cadenas rouillés, restés déverrouillés depuis un lustre.

Quand je m’apprêtais à quitter cette maison, seule l’envie de fuir était de rigueur. Je n’avais ni souvenirs à regretter, ni meubles à emporter. Je désirais seulement quitter au plus vite les lieux.

Aujourd’hui en trainant les pieds devant ces ruines du passé, une seule image me turlupine, la photo de famille restée accrochée sur le mur, seule dans un fouillis de meubles délabrés et quelques verres brisés. Abandonnée avec préméditation, elle s’est longtemps vengée en m’affligeant les pires cauchemars.

Je n’ose décadenasser la porte. Je déambule pendant de longues minutes dans le quartier baigné de lumière blafarde, en me remémorant les moindres détails de cette fantomatique image de mon passé. La photo de famille.

Grand-père

Il avait fait toutes les guerres de son temps. Il m’a obligé à mener celles du mien. Un homme doux, attentif, gai et fichtrement drôle, surtout quand il s’amusait à enlever sa dentition pour caricaturier un à un ses vieux compagnons, venus le consoler de son immobile solitude dans un fauteuil roulant. Il se voulait taquins, mais se montrait parfois cruel. Il devait oublier que ses dents à lui n’étaient qu’artifice.

Je l’aimais. Un jour on le découvrit gisant au bas de l’escalier. Son fauteuil brisé, sa nuque brisée. Mon premier amour en mille pièces.

Il n’approchait jamais les escaliers. Il en avait une peur bleue, conscient qu’une minuscule erreur de manipulation pouvait causer sa mort.

Je ne l’ai jamais pleuré. Je n’aime pas les suicidés.

Tante crétine

Une dame un peu fofolle, sans âge, héritage de je ne sais plus quel lien familiale enseveli. On disait qu’elle était mariée à un oncle éloigné du mari d’une tente, mais jamais je ne puis déceler notre véritable filiation. Elle était bête, crétine même, et on s’amusait à en faire notre objet de raillerie quand elle n’était pas simplement un objet du décor.

Je lui étais indifférente. Un jour elle parti, errante à son habitude dans les grands boulevards de la ville. Elle ne revint pas, quand deux jours après on la retrouva morte, de froid m’avait-on raconté, dans une rue suspecte.

Les méchantes langues racontaient qu’elle s’était tout simplement jetée dans les bras d’un quelconque malotru avant de périr de froid.

Je l’ai vite oublié. Elle connaissait le chemin du retour, même après une crasseuse caresse d’un goujat. Je n’aime pas les suicidés.

Père

Il avait le vice dans le sang. Son sang était vin, ses poumons une décharges où des herbes diverses enfumaient jusqu’à son regard absent. Il aimait de surcroit les prostituées. Les bars, les filles, les maisons clauses, le vin, quelques membres cassés de loin en loin à cette boule de chair lui faisant office de légitime femme et les bars encore.

Sa vie était vaine, son présent et future de pures vétilles.

Je ne l’aimais guère. On l’avait retrouvé pendu dans sa chambre. Je n’ai jamais cherché à comprendre, même pas à savoir. D’ailleurs je n’aime point les suicidés.

Mère

Une boule de chair informe. Elle était pourtant pleine de charité et de gentillesse envers tous, expiant à elle seule les péchés innombrables de son infâme entourage.

Quand elle ne passait pas sa journée à pleurer, elle s’entourait de ses enfants comme une chatte, les cajolant, les caressant, les léchant presque.

C’était pathétique, mais je l’aimais. J’aimais ses excès de folie maternelle que je trouvais attendrissant. Je la plaignais d’être venue au monde pour souffrir les maux des autres, continuer à essayer de leur insuffler la vie, la mort à l’âme.

Un jour, alors qu’elle avait retrouvé un semblant de sérénité après le suicide de père, elle se rempli la bouche de poudre insecticide et arrêta de respirer.

J’avais déversé deux larmes de joies à sa mort. La délivrance d’une personne que j’aimais désormais un peu moins vue que j’ai toujours détesté les suicidés.

Frère

Il avait dix ans quand je dus le prendre en charge. Je l’avais élevé tant bien que mal, avec les moyens de chaque jour. Il fit des études, grandi, ne s’épanoui jamais.

Lui, avait vraiment le mal de vivre. Je n’avais aucun doute sur sa fin, tant et si bien que lorsqu’il se jeta de la fenêtre en se fracassant la tête, je n’éprouvai qu’une satisfaction d’une prédiction réalisée.

Mes sentiments restaient mitigés, entre tristesse subite et regret. Je fini par basculer dans un soulagement profond imprégné d’indifférence salvatrice.

A quoi bon des larmes et des regrets. Il a fait un choix que je n’approuve pas. Je n’assume point sa décision et je m’obstine à ne pas aimer les suicidés.


Moi

Je n’étais pas sur la photo. C’est moi qui l’ais prise. D’ailleurs je ne voulais pas être immortalisée en photo de famille avec des suicidés.


Mes souvenirs tiraillés, je revins sur mes pas. Cette fois nulle hésitation ! J’ouvre les cadenas rouillés, pousse la lourde porte, prend une bouffée d’air frais et arrête de respirer le temps de traverser le vestibule, décrocher la photo entourée de toiles d’araignées, rebrousser chemin vers la lumière du jour contrastant effroyablement avec ce gouffre brumeux qu’était jadis ma maison.

Une fois les portes du passé refermés, cadenassés de nouveau, je me mire quelques instants encore devant cette photo. Je tenais tant à la récupérer qu’au bout de cinq ans je me suis enfin résignée à revenir la chercher. Je ne pouvais plus laisser la photo de Minou dans cette maison de suicidés.

Mon pauvre chat avait eu la très mauvaise idée de se dandiner devant le décor au moment même ou j’appuyais sur le déclencheur…

Revenir

Elle faisait souvent ce rêve sournois de remonter le fleuve jusqu’à la naissance de la fontaine, à contre courant, précédant les anadromes se ruant dans une course effrénée pour se reproduire, pour qu’adviennent la vie, la création et la déchéance.

Elle voulait retrouver les sources du Cocyte, se laisser immerger par les flots des enfers, périr et se muer en une Vénus immortelle, tenter à jamais les mâles pour noyer les larmes salées et ses maux, composer des poèmes pour faire couler, en douce, les mots.

Et ses envies de vie et de mort se confondaient, divergeaient, se rejoignaient dans l’infini et faisaient de ses rêves de nuits, de ses fantasmes du jour, une fresque d’images floues, une frasque, un abîme jamais sondé, une brèche sans fond dans les tréfonds de son âme.

Et ses courses démesurées pour rattraper le temps, pour faire couler le moment présent dans le moule de la durée, se muaient en une danse langoureuse avec les loups, les chiens de chasses, les louves intrépides, les mollusques gluants, tous les parias de son Eden, jadis enchanté.

Elle trépidait de colère, grelottait de solitude, vibrait l’angoisse de l’amour, la mort et les remords, et se laissait, volontiers, emporter par les flots incohérents du hasard, l’ingénuité nigaude d’un destin sans imagination, les caprices d’une vie salace et d’un cœur qui se lasse.

Elle ne voulait plus que partir, mi-consciente, mi-aveugle, rejoindre les limbes de l’oubli, noyer le souvenir dans des marres vitreuses de spiritueux herculéens, verser ses ondes refroidies devant l’autel de la vengeance, atteindre les limites de la souffrance et perdre sa mi-conscience.

Et de ses compagnons saumons elle fit âmes compatissantes, braves amphibiotiques rabattant les houles, fidèles ascètes se vouant au culte de l’amitié du désespoir, immuables repères dans la déperdition de l’instant, de sa course effrénée, contre courant, remontant le temps, défiant les innommables mépris de la fortune.

Et de ses ires elle fit défouloirs de ses tripes congestionnées, exutoires de l’infâme appétence qu’elle avait pour les vices, les caprices, les incartades de vile essence. De ses craintes, des livres qui ne faisaient qu’approfondir son désarroi, ébranler ses certitudes, effriter le restant de ses feuilles mortes fredonnant une chanson d’automne.

Elle remonta le fleuve, partit à la recherche de cette immonde elle, la retrouva, la berça, la rassura et revint à la vie, par une nuit étoilée, sans le soupçon d’un remord, sans ses regrets vétilles et ses soupirs fortuits.

Elle partit au crépuscule et revint tout juste avant le lever du soleil.

Atelier 'Ecrivons-donc' - Le 25 Novembre, 2008

PS: Finalement, il y a déjà eu une première visite et c'est Frankie qui risque d'être déçu. Ce n'est plus si évident..d'impressionner.

lundi, avril 20, 2009

Chez le bouquiniste















J’errais sans but précis par cette déconcertante journée printanière. Le temps indécis comme mes pas, valsait entre de fragiles nuages et quelques intrépides rayons de soleil, chatoyant mes jambes, prématurément dénudées.

J’aime à être caressée par le soleil. J’abhorre les nuages. Depuis toujours d’ailleurs, mon humeur est sujette aux aléas de la météo. Je n’y puis absolument rien, je reste fondamentalement d’ascendance flammèche.

Ma dépendance du soleil, à raconter, pourrait me faire noircir bien des pages, moi qui suis en manque constant d’inspiration, mais là n’est évidement pas le sujet.

Je déambulais donc sans but, quand l’envie me saisit d’aller feuilleter quelques livres délabrés, chez un bouquiniste perdu dans les étroites ruelles du quartier.

En persévérant pendant plus d’une demi-heure, j’arrive enfin devant cette petite boutique pleine à craquer de livres et de revues poussiéreux. J’entame une autre errance; des classiques dont j’ai seulement entendu parler et que je n’ai jamais lu, car ayant commencé à lire sur le tard, j’en ai raté bien des connus et d’autres essentiels à une tant soit peu orthodoxe base littéraire. Sans grand regret d’ailleurs, j’aime à être marginale…mais là aussi n’est pas le sujet.

Je ne m’arrête cependant que devant des livres que je reconnais. Une petite pause devant une série de Robert Sabatier, ‘David et Olivier’, ‘Olivier et ses amis‘, ‘Les allumettes suédoises’, ‘Trois sucettes à la menthe’...hmm, c’était à la fois amusant et tendre. Je regrette mes dix huit ans.

Ah tiens, Danielle Steel ! Moi l’autre, naïve, pucelle, avait déversé quelques chaudes larmes il y a une décennie. Que c’était bête ! Mais non, ‘L’anneau de Cassandra’ était si saisissant. Je me souviens qu’à l’époque, le prince charmant ne pouvait être qu’un militaire allemand, Manfred ! Je me rêvais en Ariana même si j’étais consciente qu’en terme de poids il me fallait perdre une autre moi. Que c’était bête !

‘Bonjour tristesse’ m’attire comme un aimant. Je le prends, le caresse, le renifle presque. Ça m’emplit de nostalgie. ‘Un sang d’aquarelle’…comme j’aurais voulu en avoir, vivre une double vie, tragédie, comédie, extravagance et replis. Hmm, et cet autre ‘Derrière l’épaule’, un délicieux voyage aux côté de Françoise. Je l’aime. C’est dommage, de Françoise Sagan que des livres connus, en éditions plutôt anciennes, mais pas la moindre trace de ceux non réédités. Sur la même étagère pourtant, un livre crasseux m’interpelle. ‘Des bleus à l’âme’, édition Flammarion 1972…la première et probablement la toute dernière. Je cache mon petit bonheur et je prends le tas de feuilles rongés par les mites sous les aisselles. Je n’aime point partager mon bonheur… tiens ! Je comprends pourquoi l’inspiration se fait rare.


Je me décide péniblement à bouger de quelques pas. Un malotru sans vergogne me pousse des coudes pour prendre ma place devant la section S, et c’est là que je me retrouve devant les M. Soit !

Maalouf ? Ah ! Un seul livre. Un peu bizarre d’ailleurs. J’ai un souvenir très net de la couverture, Samarcande ayant été pendant un été, le livre de chevet de mon amant. C’est l’amant qui a existé pendant un été, le livre, lui, avait pris sa place sur sa commode depuis ses 14 ans parait-il. Je souris, aux souvenirs de…non, dans un lieu publique, et là je lance un regard oblique à mon voisin, je me dois de rester sobre. Il a un joli profile…et de longs doigt si fins…eh zut !

Samarcande, édition 2000…ça va encore, mais…’Casbah Editions, Alger’ ? Décidément, il me faut du Camus !

Je m’éloigne du beau garçon avec quelques regrets, je m’étais laissée tentée pendant quelques instants par des regards dérobés sur ses cheveux soignés aux reflets de soleil. Pourtant Dieu sait si j’aime les bruns…

Camus. Mes doigts frôlent ‘Noces’ et j’ai le gout de la pêche. Mon regard transperce ‘L’étranger’ et je me rappelle mes folies. J’aperçois ‘Le premier homme’ et le sentiment d’impuissance me pénètre. Un livre inachevé, Camus qui écrit, raye, efface, réécris, réfléchis, rêve, s’auto-raille. Un livre que je ne pourrais jamais écrire. Finalement, même si j’aime la femme…Françoise, j’aime encore plus l’homme…Albert.

« Alors SSi Omar, vous avez trouvé quelque chose aujourd’hui ? »

J’émerge doucement de ma rêverie pour tomber sur les yeux du voisin, rieurs, amusés, rétorquant au bouquiniste qu’il ne pouvait trouver plus aujourd’hui qu’il n’ait trouvé la veille.

J’avais encore dans la main l’édition algéroise de Samarcande. L’opportuniste en moi saisit l’occasion sans autre forme de délicatesse.

« Samarcande serait être une bonne trouvaille, si ce n’est des retrouvailles…et puis Omar ne pourrait que continuer à vous intriguer si vous avez déjà eu le plaisir de le croiser. Sinon, vous devriez le faire, ne serait-ce que dans cette première vie… »

Avec le même sourire aux yeux, le rictus au coin de ses lèvres devint subtilement diabolique quand il murmura : « Une vie, ou trois ou sept, je les traverserais toutes comme je traverse celle-ci, étendu sur cette terrasse, ma main dans…les cheveux de Djahane. N’est ce pas qu’à elle seule, elle vaut le paradis et les enfers ? Un café ? »

J’acquiesce en le précédant sur le pas de la boutique. J’avais déposé ‘Samarcande’ sur ‘Des bleus à l’âme’ en pensant revenir les chercher le lendemain.

On s’arrête une seconde devant le pas de la boutique, je me retourne et la revoie baignée dans un halo de lumière poussiéreuse. Quelques Arlequins avec des unes suggestives trainaient en masse finalement dans cette petite grotte secrète…

Hmmm ‘murmura-il’…

dimanche, avril 19, 2009

Welcome to Hell




















"Nous avons le grand plaisir de vous convier à notre journée portes ouvertes.
Venez munie de vos espoirs et vos rêves enfouis.

Tenue non exigée, sauf si vous n’êtes pas épilée.

Cordiales salutations.
Frankie, Directeur Commercial des Jardins d’Eden

-- Go green – Think before you print

PS : Joe le taxieur vous attendra aux bords des limbes pour vous conduire à destination."



Et dire que je désespérais de la recevoir cette invitation. J’avais eu la vanité de croire un jour que j’allais y avoir droit de facto, puisque j’étais pensante. Eh ben non, rien n’y fait. C’est au moment même que je lâche complètement prise et que je m’associe publiquement avec Le Bel, que je fini pas la recevoir.

Je me décide tout de même à accepter. Il n’est jamais trop tard pour bien faire, même quand c’est un signe de faiblesse, m’aurait on dit !

Je m’épile alors, à la cire brulante pour à la fois m’expier les pores en stimulant les signes de ma virilité, mais aussi et surtout pour souffrir. Allez, une bonne dernière fois avant de baigner dans le bonheur céleste.

Je m’allonge ensuite toute nue sur mon lit et j’attends.

Je sais que Joe sera sur les limbes à m’attendre, mais je ne sais guère comment m’y rendre.

Mon attente dure, se fait de plus en plus pénible dans la conscience de mon ignorance. Je regrette alors les longues nuits passées à dormir au lieu de cultiver le chemin, celui des voies parallèles qui mènent à la félicité. Tout commence par une provocante pénétration, de la lumière, de l’air, de l’essence même de la violence, et soudain le fil saute, celui même qui sépare l’insoutenable et l’infiniment agréable.

Et ce fut comme une illumination, dans mes idées sombres, dans cette obscure nuit sans lune. Au lieu d’aspirer à l’élévation, tentons la descente, les limbes n’étant d’ailleurs que le fin fil entre paradis et enfer.

Ainsi menai-je les rênes de la nuit, la maltraitant, m’exultant de ses gouffres. Ramenant à mon souvenir les pires moments, ricanant sous cape de ma propre bêtise.

Et je coule, jusqu’au fond du gouffre plaisant de l’insouciance, jusqu’aux tréfonds de mon autre âme subtile, insondable. Jusqu’au ciel, reflet discret, abyssal, des abîmes terrestres.

Et dans cette descente, une voix rauque chantait, inépuisable, «Tout est permis, rien n’est vrai ». A l’entendre, je suis d’abord confuse, saisie d’une peur brusque, et puis comme par magie, lorsque je fini par m’en accoutumer, la voix devient subtilement mienne. Je répète les mêmes mots, je les souffle, les respire, les ingurgite et ils deviennent miens.

Je souris à chaque silence ;
« Tout » sourire devant l’immensité de ma petitesse.
« Est » sourire à ce « Je suis » encore, pour quelques temps, pour cinq ans ou l’éternité.
« Permis » sourire à cet interdit qui me nargue et que je dénigre.
« Rien » sourire à mon tout, car après moi, le néant.
« N’est » sourire à ma propre niaiserie qui a jadis confondu être et vouloir l’être.
« Vrai » sourire aux premières prémices des limbes majestueuses qui s’offre à mon regard sanglant.

C’est alors que mon rire sonore, parti de plus bel, couvrant le tapage de l’enfer et la sérénité pesante des jardins, finit par avertir Joe de mon arrivée.

Avec son air nonchalant, sa posture arquée, son regard balayant du haut des mures des limbes, les deux mondes, il donnait l’impression d’avoir attendu une éternité.

Je m’avance vers lui.

Moi : « Joe ? C’est toi ? Tu m’attends, n’est ce pas ? »
Lui : « Mademoiselle est en retard ! »
Moi : « Ce n’était pas si évident de trouver le subterfuge. J’ai du mourir mille fois, pleurer mon corps et mon âme à l’infini, transcender toutes les lois terrestres pour en venir à bout de ce chemin »
Lui : « Bigre ! J’entendais ton rire »
Moi : « Alors c’était vrai ? »

Son sourire narquois me rappela alors mes chants. Non, rien n’est vrai !

Moi : « On y va ? »
Lui : « De quel côté ? »
Moi : « Là où on s’ennui le moins »

Un sourire franc illumina son visage cette fois-ci, il se courba du côté de l'enfer, cria très fort : « C’est bon Frankie,….C’est Booooooonnn »

Et l’écho de sa voix rauque raisonna au-delà même des jardins paisibles, dérangeant, dans leur somnolence, quelques houris de cire…

PS1 : -- Go green – Think before you print – sinon on manquerait tous d’ombres, là où il fait vraiment chaud.

PS2: Le Bel un jour me vint en rêve pour me demander d’être son élève, j’ai répondu que j’apprenais tellement vite au risque de le devancer. Alors il me demanda de l’appeler…Papa !

lundi, mars 02, 2009

غزة 2009

Monsieur Antonio LÓPEZ PEÑA m’a fait le grand plaisir de m’envoyer son poème sur Gaza pour le partager avec les lecteurs de ce blog. Je le publie donc en le remerciant vivement pour sa confiance. Bonne lecture.

غزة 2009

سَمَّرتم أقدامي للأبد
في هذه الأرض، أمّي وسيّدتي
في هذه الأرض التي خلعتم مني
سيبقى دائماً جسدي
ستبقى دائما أرضي

في هذه الأرض المنكوبة
حيث انتشرَتْ رائحةُ خبزي،
وحيث كان أطفالي ينتظرون رجوعي،
المقهى والأصدقاء،
لم يَبْق لي منهم إلا الحجارة
حجارةٌ بلا سوسنٍ

انظروا إلى ما فعلتم بحقولي
حوّلتموها إلى سِجْنٍ حَزين
وأفقي المحدود
عكّرتموه بالأسلاك الشائكة
فأضْحَت سمائي أبواباً مغلقة

عيونُ الأمهات منهوكةٌ
من كثرة البكاء
لم يبق لها دمْعٌ بعد الدخان
الدروب والمداخل مغلقة
لا أرى مكانا للمستقبل
في هذا اليوم الذي يقتلنا،
لم تتركوا لي بيتاً ولو من شعر

على هذه الأرض المنكوبة
غصنُ زيتون،
أشبار من بستان على التل،
وسربُ حمام
هم كنزي الوحيد
منعتموني منه مرات عديدة ولوقت طويل.
لكن الآن
ابتسامتي الأخيرة ترتسم على جمجمتي
لتسخر من كراهيتكم العاجزة

في هذه الأرض المسروقة لا تزال
ستبقى عِظامي إلى الأبد،
ستبقى دائما أرضي
تحت هذه الحجارة لا يُسمع صوت المدفع
ولا تصل الكراهية

سأنام على جذور السوسن
التي طالما حلمتُ بها
الورد التي آمل أن يُضيء
عيونَ الأمهات اللائي بقين
عيونَ الذين
يوما ما
ينشئون من جديد
منازل وحدائق
ويمسحون السّياج الحزين
من هذا الأفق الجديد
الذي حلمتُ به
مفتوحاً للجميع.


انطونيو
بركسل 2009-02-02

vendredi, janvier 09, 2009

Que vaut mon mot?

Que vaut ma solitude ?
Que vaut le monde d’ailleurs ?

Ma demeure n’est pas ruines
Mon âme, elle, git sous ce leste
D’un inconscient furieux
D’un silence traversant mes murs
D’une envie de meurtre ou de suicide
De mille autres ires et un rire

Que vaut mon ermitage ?
Que valent ces arbres dansant au vent ?

Mon cœur suffoque sous son poids
L’omerta
Mon verbe se conjugue au passé
Glorieux, Khayyâm, Avicenne
Sombre, défaite, génocide
Limpide, une marre de sang
Simple, un insecte qui disparait

Que vaut mon mot orphelin ?
Que vaut ma solitude au vent, parmi les Hommes ?

Sonnettes, sornettes, soi-disant
Ma voie, ma voix
Mon heure est à sa fin
Et à cette faim des autres
Etres conscients, âmes vivantes
Cris vrais, retour à la source
L’Homme c’est toi
Pauvre Homme sur une terre de déchus.

mercredi, janvier 07, 2009

L'espoir














Tu te sens impuissante, dégoutée, malade.
A force de regarder ce drame pendant toute une vie, tu n’en peux plus. Tu ne veux plus supporter de toiser des enfants démembrés et des visages calcinés. Tu refuses farouchement de regarder les images qui défilent en boucle et tu affronte continuellement le regard des autres qui te disent sans cœur.
Qu’il en soit ainsi.
Tu voudrais par contre faire quelque chose. Oui agir ! C’est tout aussi simple à dire que de continuer à calmer une conscience pataugeant dans le confort.
Tu poses des questions, à toi souvent, et des fois aux autres, sur quoi faire. Tu n’obtiens pas de réponses qui te satisfassent.
Certains disent prier, d’autres revendiquer, s’insurger, crier des slogans, faire des dons…mais ? Tu continues à te sentir impuissante.
Et des fois, tu tournes juste le dos à toute cette histoire et tu te dis…c’est loin, ce n’est pas ta vie, ce n’est pas ton quotidien.
Et tu te réveilles ensuite avec ce sentiment d’impuissance qui n’en devient que plus puissant.
Ensuite, tu regardes autour de toi, tu vois la vie de ton amie d’enfance qui, elle, a toujours les mêmes convictions, elle croit en sa cause et milite pour son peuple.
Tu t’inspires d’elle pour t’insuffler de l’espoir. Elle n’est pas plus intelligente que toi, ni a plus de foi, elle a surtout évolué dans un environnement qui la submerge d’espoir, de convictions, d’envie de réaliser quelque chose pour elle et pour les autres.
A défaut d’avoir grandi dans un tel environnement, tu regardes ailleurs et tu te dis que ce sentiment de défaite ambiante ne peut que mener vers plus de défaite, que la victoire se mérite, et que les slogans sans actions ne sont voués qu’à raviver une colère enfouie…et tu sais très bien que la colère inhibe la pensée.
Alors là tu te dis que c’est fini ce sentiment d’infériorité, cet héritage de Nakba, cette défaite que nous trainons derrière nous en gros fardeau que nous léguerons ensuite à nos enfants.
Tu veux réagir, réfléchir, éduquer, faire connaitre une vérité ensevelis sous une tonne de propagande et surtout…surtout, tu veux garder l’espoir intact en toi, le transmettre à ton autre amie fatiguée, à ce collègue ennuyé par tant d’événements cruels, à ce voisin insouciant car se sentant impuissant….à ce monde qui oublie qu’on est ce qu’on FAIT !

A Fadwa!

jeudi, janvier 01, 2009

Fragments de songe














Venus - Botticelli


Devant l’autel de La femme, elle, l’insaisissable, l’ange démon, le rêve inassouvi…je l’ai vu s’agenouiller, égrener des perles mots à sa seule gloire, effluver son âme pour en faire un parfum nocturne l’embaumant de désirs, crier le plaisir de la rêver, jouir de son absence aux relents d’absinthe.

Une nuit qui n’en fini plus, prosterné devant la Venus aux cambrures enchanteresses, bravant l’étoile du nord, louant les ténèbres de son être assoiffé…je l’ai vu se relever, tête toujours baissée, âme perdue entre rêves et fuyante réalité, encrier empli de larmes et répandant ici et là quelques rares émeraudes germant en vers ensorcelants.

Et puis…inopinément, involontairement, je me retrouve dans son tourbillon. Ses cris, ses allers-retours, la joie, la jouissance, l’exaltation, les cris. Qui puis-je ? Je rentre en transe ! Me laisse envahir par ce mouvant, de la pensé, entre durée et moment. Le souffle coupé, je me fais entrainer par son rythme déchainé, et nous voilà…deux, prosternés, devant elle. Trois dieux ? Un esclave, un apôtre, et l’ultime déesse !

Essoufflés mais jamais repus, nous reprenons la route, sautillant d’étoile en astre, sur la voie lactée, explorant des trous noirs, engloutis par la lumière…lui, son dévoué, moi l’ascète d’une doctrine au gout acre-doux. La marche reprend après chaque halte, pour noyer le désir dans une quête interrompue d’un seul mot…celui en lequel jamais je n’ai cru, car Omniprésent, Omniscient…Ode à l’amour.

A Rachid...

 
Design by Free WordPress Themes | Bloggerized by Lasantha - Premium Blogger Themes | Hot Sonakshi Sinha, Car Price in India