vendredi, janvier 27, 2006

Flip le chat de gouttières (2)



Quand ses pieds frôlèrent le sol de cette terre de maures sauvages, les rais du soleils pénétrèrent avec une telle force la pupille de Philippe qu’il en resta abasourdi pendant de longues interminables secondes. Une fois les yeux ouverts et habitués à la lumière foudroyante du jour, Philippe ne put décerner la longue silhouette de son maître à ses côtés, il constata avec horreur que sa laisse avait été lâchée et qu’il errait seul parmi la marrée humaine qui dévastait les quais du port.

Désespéré, en panique et en sueur, Philippe courrait aux quatre coins du port à la recherche de cette forme longiligne qui caractérisait le corps frêle de son maître, il chercha son couvre-chef, sa canne à tête d’oiseau, son costume morose de fossoyeur qui contrastait âprement avec la chaleur ambiante, mais en vain. Il dut alors se résigner à revenir sur le bateau dans un dernier espoir de retrouver les siens, mais le pauvre félin ignorait la valeur de ses semblables et le traitement qui leur est réservé chez ces maures à la peau tannée et aux cheveux sombres telle la nuit. Il ignorait le nombre incommensurable de coups de pieds qu’il allait recevoir sur le derrière en essayant d’atteindre la passerelle du navire avant d’échouer l’estomac retourné sur un coin puant le moisi du poisson.

Le Bel, qui dans un moment de lucidité retrouva ses forces et ses facultés d’analyse réputées être des plus pointues chez les quadrupèdes, décida se rendre au bureau des objets trouvés. Certainement un illuminé de ces malotrus arabes aura l’infime lueur d’intelligence de lire sur son collier le nom et l’adresse de M. U.

A peine fût-il sorti de ce coin miteux à l’abri tout de même du soleil et de ces énormes pieds chaussés de vulgaire chaussures en cuir jaune et à la forme triangulaire, Philippe croisa une cohorte d’enfants sales et piètrement habillés qui courrait haletants derrière un ballon dégonflé.

Les enfants le regardèrent avec des yeux de chasseurs nés et s’arrêtèrent net. On dirait qu’ils avaient pensé tous à la même chose au même moment. Philippe ne put douter des mauvaises intentions de ces diables qui, au lieu de poursuivre cet ersatz d’un ballon, se sont simplement mis à sa poursuite. Le pauvre chat ne sût comment réagir mais son instinct de survie le poussa à courir le plus vite qu’il pût. Les chenapans avait en effet, une seule idée, meurtrière cela va sans dire, derrière la tête, s’amuser au jeu du pendu, non ce jeu distingué consistant à jongler avec les mots, mais un autre bien plus réel, mettre à exécution cette scène des milliers de fois vue et appréciée au cinéma à deux sous du coins, qui consistait à tirer une chaise de sous un malheureux pour le voir suffoquer une grosse ficelle à la gorge, jusqu’à ce que mort s’en suive...

6 comments:

Anonyme a dit…

Je pense que ce philippe deviendra plus maure que les maures, jouera et se jouera bien de ces bizzareries de chaussures jaunes triangulaires!!!

;-)

C'est très bien écrit, ai-je besoin de le redire ici? ;)

Leilouta a dit…

Hey, You have to check my cats :)
I took a few pictures of Tunisian,Italian and American cats:) Check it out.

Anonyme a dit…

bien écrit.
je te salue au passage.

Anonyme a dit…

Ah ah ah
C’est comme si je lisais le passé simple de Driss Chraibi ! Il a fallait que je lis et relis chaque phrases pour que je comprenne un petite chouia :)
Mais j’ai compris que l’accueil n’est pas terrible.

Anonyme a dit…

En effet,
très bien écrit :-)

Anonyme a dit…

Je te trouve un peu trop dure là mais on s'y croirait

 
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