mardi, mars 09, 2010

Un dimanche au seizième SIEL

Je me balade, les yeux hagards, l’esprit perdu dans des allées regorgeant de livres. Je me perds justement à contempler ces livres aussi hétéroclites que peuvent l’être les visiteurs du SIEL.

10000 visiteurs par jour est le nombre officiel pour ce SIEL 2010. Sur quelques 16000 m², ça fait foule et ça se voit, pire, ça se sent !

Une moiteur nauséabonde embaume l’air, alors que j’essaye de flâner tranquillement entre ces livres qui me font tant rêver. Je suffoque en essayant d’attraper un Philip Roth ou un Céline…serait-ce un effluve célinien justement qui empoisonne mon esprit et mes narines? Serais-je entrain de juger, pire de condamner « ces petites gens » encombrant cet espace que je voulais pour moi seule ? Et toujours en succombant à mes pensées Célinienne je me dis qu’ « après tout, pourquoi n’y aurait-il pas autant d’art possible dans la laideur que dans la beauté ? »

J’essaye alors, et réessaye surtout, de m’habituer à l’ambiance un peu charognard, mais n’y arrive point. Comprenez moi, car, il faut l’avouer, les gens sont bizarres. Ils sont touristes, baladeurs du dimanche, mères, grand-mères, que dis-je, familles entières confondant le salon du livre avec une foire de divertissement, un crique. Moyennant des tickets à 5dh que des revendeurs, en noir, soldent gracieusement au lieu des passes officiels à 10dh, ils envahissent sans vergogne les lieux.

Ceux qui portent un sac rempli de livres, sont une denrée rare. Il y en a bien sur, avec des sacs, quelques jeux pour les petits, des puzzles ou des CDs…mais le livre reste seul, sur les étagères, orphelin !

Je refuse de succomber au sentiment de claustrophobie qui tend à écraser ma bonne volonté, et cet autre, de rébellion en sourdine, qui m’envahit déjà toute entière.

Je me dékafkaise, en quelque sort, en chassant mes idées noires, d’un coup de pieds dans une pancarte, et décide de voir dans le SIEL une véritable célébration du livre et de son culte.

Et c’est alors que je me réfugie dans une conférence, avec un peu d’appréhension certes, mais en sentant déjà un espoir naissant…

Une neuneu qui, à chaque fois qu’elle prend le micro, tient absolument à prendre aussi tout ‘le temps réglementaire alloué’. Sachant que personne ne lui demande de le retourner ce micro, et qu’elle ne donne de surcroit rien en retour de ce temps qu’elle me dérobe, elle finit par m’exaspérer.

Une lecture d’un poème, magnifique,…rendez-vous d’amour arabe1 !

Une modératrice sympathique et…prolixe ! Ce qui nous ramène à comprendre la première invitée, mais je m’en fou, elle m’énerve et c’est mon dernier mot!

Et puis enfin, les interventions du publique, et là, littéralement, je n’en peux plus ! Mais quelle identité ? Quelle langue ? Vraiment ? Pensez-vous réellement que je me fais coloniser en écrivant en français ? Mais, voyons, regardez un peu autour de vous, il y a Hafsa2, the teacher…et pourtant le royaume de sa majesté, Elizabeth pour la précision, ne nous a jamais envahit! Balivernes !

Je suis énervée pour de bon, car cette victimisation latente, dégradante à souhait, ne peut que m’irriter !

L’envie, le besoin vital de filer en douce, pour rejoindre les miens, les livres, me fait surmonter ma haine et je disparais sans préambules. Ne suis-je pas ici pour les toucher, les humer, m’approprier quelques uns et en faire in fine mes ultimes compagnons, mes amants d’un soir, de chaque soir?

Je me ballade alors, à l’abri de la foule, dans des rayons remplis d’ouvrages non illustrés, ou le mot, le style, l’histoire et la création sont enfin souverains. Je pique des étoiles3 dans un rayon, du désir 4 dans un autre et me prépare enfin pour mon sublime voyage5.

Et pour les torturer dans leurs prochaines tombes, ces détracteurs de la langue, ces adversaires inavoués de leur propre langue, je m’approvisionne, pour la route, avec un pain arabe6 et des poèmes, de haine et d’amour 7, tout aussi arabes.

Me revoilà, qui me dérobe, encore une fois, subtilement, soulagée, humanisée, d’une issue finale, la porte de sortie.

L’air frais illumine le ciel, alors que cet autre SIEL continue à sombrer dans l’appétence, du gain, de la célébrité, de l’illusion des statistiques.

J’attendrais patiemment l’année prochaine…peut être bien que le Dix-septième salon arriverait-il à me transporter au septième…Ciel, voyons !

1 : Rendez-vous arabe ‘عربي حب موعد’ poème de Taha Adnane.

2 : Hafsa Bekri Lamrani, poètesse et professeur d’anglais.

3 : ‘Les étoiles de Sidi Moumen’ – Mahi Binebine

4: ‘Professeur de Désir’ - Philip Roth.

5 : ‘Voyage au bout de la nuit’ - Céline.

6 : ‘الحافي الخبز ‘- Mohamed Choukri

7 : Receuil de poèmes ‘الحب أكره’ de Taha Adnane.


PS : à la compagne du dimanche…peut être irions nous ensembles encore l’année prochaine, mais alors nous devrions apprivoiser ce Salim trop bavard ;)

 
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