Triptyque du Jardin des délices, aile droite – Prado. Jérôme Bosch.
Voudrais-tu me dévoiler aujourd’hui les secrets de cette longue quête du plaisir, dont tu te proclame maitre incontesté ? Voudrais-tu encore me mener vers le jardin des délices?
Je suis là à attendre, mais pas pour longtemps car l’impatience me ronge…
Je bois tes mots, aspire tes effluves, te renifle comme un chien pour apprécier ta crédibilité, quand tu me dis sournoisement, que j’ai fais le bon choix. Lequel ? Celui-là même de dénigrer un bonheur eternel, mais que seul mon imagination peut apprivoiser, pour quelques plaisirs instantanés baignés dans une marre de vices.
Le bonheur que tu es entrain de prôner est Bon. Bon parce que vrai, palpable et, paradoxalement, rêche. Une sensibilité acérée, s’empreignant de ton être même, ou de ta raison d’être, m’envahit, comme une pestilence, et me rejette par delà ma propre image les traits cachés de mon véritable moi.
Et tu arrive à me convaincre, et j’en perds mes repères d’antan pour me retrouver dans un nouveau monde, celui auquel j’aspirais. Celui où j’ai enfin troqué le bonheur tracé d’avance pour un instant de félicité subite.
A t’écouter, je perds les repères et je m’en réjouis, car je me retrouve en plein dans le mouvant continu, paradoxalement…
Sais-tu que j’abhorre la monotonie des goutes de pluie tapotant inlassablement sur les volets de mes fenêtres ? Je préfère tantôt chanter pour masquer le bruit, tantôt sortir gouter à cette onde salvatrice en risquant une pneumonie. C’est que j’aime le mouvant, le renouveau, les moments instantanés de plaisir qui font pâlir de jalousie la durée chimérique d’un bonheur prescris.
Fais moi revisiter Le temple maintenant, ici même, ou alors laisse moi jouir encore de cet instant de ravissement…quand je ferme les yeux, crie de bonheur et me redis ‘oh, this is hell !’. Laisse-moi en jouir mais ensuite disparais !
Pars donc en laissant derrière toi seulement des promesses vagues d’un retour. Je ne suis guère dupe…je ne te croirais point ! Car vois tu, la surprise du renouveau n’en sera que plus belle.
En attendant, je boirais à ta santé et inhalerais la fumée doucereusement criminelle d’une cigarette en célébrant le culte de l’inattendu. L’inattendue étreinte d’un inconnu, l’inespérée virée dans une contrée inexplorée, la surprise de croiser un vieil ami sur une route déserte…ou peut être bien un sommeil profond suivi d’un réveil insoupçonné dans ton Eden perdu.
En attendant, je te dédierais mes résolutions fortuites d’un ‘nouvel’ an et continuerais à t’appeler Papa…le temps que l’élève puisse enfin dépasser le maitre !