Premier jour en Tunisie et une première discussion avec un tunisien, le chauffeur du taxi…
Comment ça se passe après le départ de Benali ?
On respire enfin. Les gens retrouvent l’espoir et l’envie de travailler pour ce pays.
Malheureusement on en pâtit économiquement, le tourisme notamment se porte mal et la situation politique n’est pas encore stable.
Mais de toute manière les changements se feront progressivement, non ?
Le changement, dans le sens où des institutions démocratiques verront le jour et le pays connaitra une stabilité politique prendront au moins 3 ans. Les tunisiens ne sont pas dupes, ils le savent très bien et ils continuent leur engagement pour une véritable démocratie.
D’un autre côté, les pratiques d’antan, la corruption, le harcèlement policier, continuent en quelque sorte. Ce n’est pas évident d’éradiquer une manière d’être et de vivre du jour au lendemain. On aura besoin d’une ou de deux générations pour un changement de mentalités, pour une société qui vit dans un état de droit, sans les pratiques enracinées de corruption.
En attendant, il faut qu’on reprenne notre lancée économique. Le tourisme a énormément souffert cette année, même si en ce mois de juillet les touristes commencent à affluer d’une manière intéressante. On pense que la reprise du tourisme se fera naturellement dès l’année prochaine.
Que pensent les tunisiens des élections constituantes ?
Les gens sont perdus entres les 100 partis que nous avons aujourd’hui. Dans les médias tunisiens ces partis déclarent tous les mêmes objectifs et programmes, du coup on ne sait plus où donner de la tête.
Il faut qu’ils déclarent leurs véritables stratégies, leurs programmes et visions pour ce pays pour que le citoyen soit capable enfin de choisir. Quand ils nous servent tous le message : « on est modéré, on ne veut que le bien de ce pays », on comprend qu’ils veulent simplement peser sur les urnes. On ne fait donc pas confiance.
Mais le multipartisme est lui-même symbole d’une rupture avec l’ancien régime du parti unique, le RCD, n’est ce pas ?
En effet, cependant ces partis qui ne se distinguent pas les uns des autres, ne nous avancent en rien non plus. On sait aussi que les anciens du RDC peuvent se dissimuler sous d’autres bannières politiques.
On ne peut les identifier, ni les juger tous. Comment juger trois millions de personnes, dont beaucoup étaient très influents, très corrompus mais travaillaient discrètement ?
Quel est le sentiment des tunisiens par rapport à Annahda ?
Annahda a beaucoup de sympathisants mais les tunisiens restent sur leur garde. Les dirigeants d’Annahda se disent modérés mais nous voulons des garanties sur leur projet pour le pays.
Il est impératif pour la Tunisie d’avoir une séparation réelle entre le religieux et le politique. Si Annahda s’engage pour une laïcité comme la Turquie à ce moment là on pourra leur faire confiance.
Le peuple tunisien a beaucoup progressé dans ce domaine depuis l’ère Bourguiba, les libertés individuelles ont connu un réel essor et les femmes bénéficient de beaucoup de droits. On ne veut surtout pas faire une régression dans ce domaine.
Avec ou sans Annahda, le peuple tunisien restera sur sa lancée première. Le religieux n’a absolument rien à faire avec le politique et vice versa.
Quelle était la principale différence entre Benali et Bourguiba ?
Il n’y a pas lieu de comparer Bourguiba et Benali. On aimait le premier et on l’aime toujours.
Bourguiba était un avocat, instruit, cultivé et homme de valeurs. Il n’a pas hésité à faire « dégager » son propre fils quand il le fallait. Alors que Benali était un militaire, largement inférieur en culture et en éducation et entouré de surcroit d’une famille de voleurs tous aussi incultes.
Mais n’étaient-ils pas tous les deux des dictateurs finalement ?
C’est vrai qu’ils ont géré tous les deux le pays d’une main de fer, mais chacun à sa manière et avec un objectif et un résultat différents. Bourguiba a travaillé pour le pays, il a construit la Tunisie moderne, a éduqué le peuple et donné aux femmes leurs droits.
Benali de l’autre côté a pillé le pays, lui et sa famille. Il a aussi abusé de nos progrès en termes de liberté individuelles. Qui est-ce pour oser interdire aux femmes de porter le voile ? C’est un inculte je vous ai dis.
On arrive à destination et la discussion s’achève sur cette dernière phrase.
Je garde de cette discussion une certaine amertume quand je compare de pareilles discussions avec des chauffeurs de taxi à Casablanca, et une phrase clé : « Bourguiba 9errana (nous a éduqué)» !
En attendant les prochaines rencontres, je vous laisse écouter ceci...
1 comments:
Predictable. Cute
Enregistrer un commentaire