Il conduit, sans se presser. C’est un samedi soir, fin de weekend. Il a l’air tout à fait calme, relaxé, lassé peut être.
Une fin de soirée comme plein d’autres. A 120 à l’heure sur une autoroute presque déserte, que des noctambules à cette heure-ci. Le paysage défile, sans âme, sans états d’âme.
La soirée était tout aussi banale. Des amis comme d’habitude, une discussion insignifiante, trop ordinaire. Il ne se fait aucune illusion par rapport à ce qui l’attend. Un dernier verre, une cigarette à étouffer avant terme devant le dernier journal d’info qu’il fera semblant de regarder. Une douche, tiède probablement au début, chaude àla fin pour se réveiller. Se réveiller, c’est surtout ce qu’il ne veut pas faire. Il veut plutôt dormir à point fermé, sans réfléchir, sans poser de questions, sans réellement ‘Savoir’.
Que fait-elle ? Que devient-elle ? Existe-t-elle vraiment ?
Un regard oblique vers le petit canapé au coin et il sait ! Ce n’était nullement un rêve, elle a existé, elle a été là. Pas un jour, pas deux, mais une éternité. Elle a toujours existé et elle n’est jamais partie. Son odeur embaume encore l’atmosphère, ses cheveux lui apparaissent comme des mirages, perdus sur un oreiller, volatiles sur une brosse, s’accrochant à ses pulls de laine.
Inconsciemment il se laisse tomber dans le canapé. Il fume sa dernière cigarette, inhale son parfum, se perds et se retrouve, il vit deux vies, amplement. Il éteint sa cigarette et revient à sa morne vie.
Cette vie dont il a fait le choix. Il l’a choisi car elle était la seule qu’il pouvait assumer. Tout le reste, l’autre vie, il ne pouvait qu’à y aspirer. Il rêvait, faisait des plans, aimait, se perdait et se laisser perdre. Et puis la vie, le retrouvait, le reprenait.
L’a-t-il vraiment aimé, ou était-ce l’amour du rêve, de l’autre vie ?
Il regarde les news, massacres par ci, famine par là…que des drames. Et il se rappela que pour une fois il fut l’auteur de son propre drame.
Et il se rappela aussi qu’il l’aimait. Lâche ? Probablement, mais avait-il réellement le choix ?
Son dernier verre était vide, et le temps semblait se vider de sens, de charge, d’existence.
Il reprit ses rêveries de tous les soirs et il se rappela le premier soir…
Un temps pour écrire, se régénérer. Un temps pour les rédemptions et les regrets, un autre pour la joie et les fous rires, et puis surtout un temps imparti (par qui d’ailleurs ?!), impartial, inconnu,subreptice, un temps qui me rend folle à vouloir le saisir. Ce temps là c’est aujourd’hui. Et je suis femme d’aujourd’hui, à l’image de mon temps, furtive…
Finis les questionnements du passé ; « qui suis-je ? ». Commencent ceux d’aujourd’hui ; « je veux en faire quoi ? ». Pas grand-chose si j’en réfère à ce bout de papier journal que j’ai chiffonné un jour en me baladant dans une ancienne casbah. Vraiment ! Aucun intérêt à le raconter, rien pour être fière. Ce que je veux faire d’aujourd’hui c’est vivre. Débile réflexion ? Non, je dirais plutôt commune, simple !
‘Vivre aujourd’hui ‘ est une phrase simple, quoique chargée de sens, en tout cas pour moi, qu’elle me fait sourire. Allez, il faut l’avouer, j’ai réussi enfin à vaincre mon plus grand handicape : la masturbation ! Je relègue ma masturbation intellectuelle aux oubliettes et retrouve la simplicité, dans les idées comme dans le texte.
Il est donc question désormais de savoir dire les choses simplement, sans les maquiller, sans en faire des raisonnements savants !
Il est aussi question de porter des choses simples, apprécier des tableaux élémentaires, manger des mets ordinaires, respirer de l’air pollué en admirant un paysage dont on omets les sacs plastiques et surtout, surtout se battre contre moi, contre mes doigts qui parfois prennent le dessus et écrivent ce que bon leur semblent, pour ne pas tomber dans la métaphore exagérée qui me fait parler d’air pollué et de sacs plastiques !
Au fait, il est aussi temps aujourd’hui de faire vivre ce blog. A bientôt ! (simplement ?)
Je me balade, les yeux hagards, l’esprit perdu dans des allées regorgeant de livres. Je me perds justement à contempler ces livres aussi hétéroclites que peuvent l’être les visiteurs du SIEL.
10000 visiteurs par jour est le nombre officiel pour ce SIEL 2010. Sur quelques 16000 m², ça fait foule et ça se voit, pire, ça se sent !
Une moiteur nauséabonde embaume l’air, alors que j’essaye de flâner tranquillement entre ces livres qui me font tant rêver. Je suffoque en essayant d’attraper un Philip Roth ou un Céline…serait-ce un effluve célinien justement qui empoisonne mon esprit et mes narines? Serais-je entrain de juger, pire de condamner « ces petites gens » encombrant cet espace que je voulais pour moi seule ? Et toujours en succombant à mes pensées Célinienne je me dis qu’ « après tout, pourquoi n’y aurait-il pas autant d’art possible dans la laideur que dans la beauté ? »
J’essaye alors, et réessaye surtout, de m’habituerà l’ambiance un peu charognard, mais n’y arrive point.Comprenez moi, car, il faut l’avouer, les gens sont bizarres. Ils sont touristes, baladeurs du dimanche, mères, grand-mères, que dis-je, familles entières confondant le salon du livre avec une foire de divertissement, un crique. Moyennant des tickets à 5dh que des revendeurs, en noir, soldent gracieusement au lieu des passes officiels à 10dh, ils envahissent sans vergogne les lieux.
Ceux qui portent un sac rempli de livres, sont une denrée rare. Il y en a bien sur, avec des sacs, quelques jeux pour les petits, des puzzles ou des CDs…mais le livre reste seul, sur les étagères, orphelin !
Je refuse de succomber au sentiment de claustrophobie qui tend à écraser ma bonne volonté, et cet autre, de rébellion en sourdine, qui m’envahit déjàtoute entière.
Je me dékafkaise, en quelque sort, en chassant mes idées noires, d’un coup de pieds dans une pancarte, et décide de voir dans le SIEL une véritable célébration du livre et de son culte.
Et c’est alors que je me réfugie dans une conférence, avec un peu d’appréhension certes, mais en sentant déjà un espoir naissant…
Une neuneu qui, à chaque fois qu’elle prend le micro, tient absolument à prendre aussi tout ‘le temps réglementaire alloué’. Sachant que personne ne lui demande de le retourner ce micro, et qu’elle ne donne de surcroitrien en retour de ce temps qu’elle me dérobe, elle finit par m’exaspérer.
Une lecture d’un poème, magnifique,…rendez-vous d’amour arabe1 !
Une modératrice sympathique et…prolixe ! Ce qui nous ramène à comprendre la première invitée, mais je m’en fou, elle m’énerve et c’est mon dernier mot!
Et puis enfin, les interventions du publique, et là, littéralement, je n’en peux plus ! Mais quelle identité ? Quelle langue ? Vraiment ? Pensez-vous réellement que je me fais coloniser en écrivant en français ? Mais, voyons, regardez un peu autour de vous, il y a Hafsa2, the teacher…et pourtant le royaume de sa majesté, Elizabeth pour la précision, ne nous a jamais envahit! Balivernes !
Je suis énervée pour de bon, car cette victimisation latente, dégradante à souhait, ne peut que m’irriter !
L’envie, le besoin vital de filer en douce, pour rejoindre les miens, les livres, me fait surmonter ma haine et je disparais sans préambules. Ne suis-je pas ici pour les toucher, les humer, m’approprier quelques uns et en faire in fine mes ultimes compagnons, mes amants d’un soir, de chaque soir?
Je me ballade alors, à l’abri de la foule, dans des rayons remplis d’ouvrages non illustrés, ou le mot, le style, l’histoire et la création sont enfin souverains. Je pique des étoiles3 dans un rayon, du désir 4 dans un autre et me prépare enfin pour mon sublime voyage5.
Et pour les torturer dans leurs prochaines tombes, ces détracteurs de la langue, ces adversaires inavoués de leur propre langue, je m’approvisionne, pour la route, avec un pain arabe6 et des poèmes, de haine et d’amour 7, tout aussi arabes.
Me revoilà, qui me dérobe, encore une fois, subtilement, soulagée, humanisée, d’une issue finale, la porte de sortie.
L’air frais illumine le ciel, alors que cet autre SIEL continue à sombrer dans l’appétence, du gain, de la célébrité, de l’illusion des statistiques.
J’attendrais patiemment l’année prochaine…peut être bien que le Dix-septième salon arriverait-il à me transporter au septième…Ciel, voyons !
1 : Rendez-vous arabe ‘عربي حبموعد’ poème de Taha Adnane.
2 : Hafsa Bekri Lamrani, poètesse et professeur d’anglais.
3 : ‘Les étoiles de Sidi Moumen’ – Mahi Binebine
4: ‘Professeur de Désir’ - Philip Roth.
5 : ‘Voyage au bout de la nuit’- Céline.
6 : ‘الحافيالخبز ‘- Mohamed Choukri
7 : Receuil de poèmes ‘الحب أكره’ de Taha Adnane.
PS : à la compagne du dimanche…peut être irions nous ensembles encore l’année prochaine, mais alors nous devrions apprivoiser ce Salim trop bavard ;)
J’ai bien reçu ta lettre et je me suis d’abord demandé qui pouvait encore utiliser des enveloppes timbrées parfumées au ph2-sn4-zw12ah-kxs13 (fragrance rose au lever du soleil à l’ubac du mont blanc lorsque la température est à 4°C et que l’incidence des rayons du soleil diverge de 0,62° par rapport au zénith sous l’effet d’un taux d’humidité de 71% et un point de rosée de 17°…ça c’est pour ceux qui n’on jamais eu une boite « le petit chimiste » pour leur anniversaire )
C’est vrai que j’ai la mémoire défaillante, mais ça c’est à cause du galet que tu m’a envoyé en pleine tronche (pour me moucher maintenant je dois mettre les doigts dans la bouche) lorsque j’ai essayé de t’arracher les mains du cou décharné de la pauvre tamou que tu étranglas au pied du chêne juste parce qu’elle avait fumé les dix grammes de shit que t’avais planqué chez elle…je t’avais ensuite, après un deuxième galet à la tempe droite qui m’oblige maintenant à tourner la tête de 90 ° pour regarder droit devant moi, aidé à la pendre à la plus haute branche de ce chêne
Mazette ! à moi aussi ils me manquent nos jeux d’enfants. Te souviens tu de ce que l’on faisait à ceux qui venaient couper chêne ? te rappelles tu des couinements de celui qu’on avait brûlé à petit feux de nos mégots de cigarettes…j’ai encore l’odeur de sa graisse rissolante dans les narines…d’ailleurs chaque fois que je passe devant KCF l’odeur du saindoux me rappelle cette tendre période où tout était vrai. Aucune hypocrisie ne venait jeter son ombre froide sur nos rires complices …
Sais tu que chaque mois et ce depuis que tu es partie, j’égorge un poulet au pied du chêne…je les cueille chasse d’habitude sur l’autoroute, juste en ouvrant la portière à 100 km/h…c’est vrai que ça m’oblige à changer la portière de la voiture à chaque fois, surtout que le dernier était une pintade (un gros moustachu de gendarme) mais que ne ferais-je pas pour commémorer la douce béatitude de notre enfance
Tres très chère amis. Je trépigne à l’idée de te retrouver ce soir au pied du chêne…je ramènerai nada avec moi…enfin ce qu’il en reste…
L’ambiance est feutrée. Les lumières, un peu trop tamisées à mon gout, et la musique, à la Bouddha Bar, font que l’attente dans cette ambiance flegmatique ait quelque chose d’agaçant. Je l’attends depuis un quart d’heure déjà, perdue dans des pensées angoissantes à l’idée que mon supplice puisse durer éternellement. Il me fait me languir à chaque fois et toutes les fois je le retrouve avec une joie immense et un désir toujours inassouvi. J’ai tant de fois essayé me sevrer de cette appétence qu’il insuffle en moi, oublier jusqu’à son existence. Il me tient, hélas, en haleine et me fais son esclave, toujours dévouée, jamais rebelle. Le barman me regarde du coin d’œil avec un sourire narquois et les filles, attablées seules ou avec des entremetteuses, me scrutent l’air désabusé de celles qui ne peuvent concevoir la raison de ce feu qui flamboie dans mes yeux. Je me souviens subitement de notre première rencontre. J’avais vingt ans. Apprentie sybarite à mes heures perdues, je voulais croquer dans la vie à pleines bouchées, sucer jusqu’à son suc et la dénuder de ses masques grotesques, pour retrouver en elle la pureté du plaisir parfait. C’est là que je fis mon baptême du vice, ce seul vice d’encore et toujours courir à grande enjambées vers lui, celui là même qui me fait perdre la tête et tous mes moyens pour me jeter tête baissée, yeux ragaillardis, conscience ensevelie, dans des gouffres sans fonds. Un bel homme s’approche de moi, m’épiant de la tête aux bouts de mes bottes coruscantes. Il s’attarde un instant sur ma bouche entrouverte, affichant une soif de ce traînard qui me fait tant espérer, une avidité que je ne saurais receler, car apparente jusqu’au dans le tremblement de mes lèvres à la seule idée de caresser enfin son souffle brûlant. L’homme pose ensuite ses beaux yeux azurs sur mon décolleté désobligeant, défiant les regards intrépides et les envies incommensurables, de palper, toucher, téter, de tous ces hommes dégustant leurs spiritueux avec un dédain et une gratitude mélangés. Il fait mine de vouloir prononcer un mot, peut être un compliment, probablement une avance. Il se sauve au moment ultime quand il comprend, par je ne sais quelle clémence de son destin, que toute tentative échouera sur l’île indélébile de mes refus entassés depuis l’aube des temps. Les hommes, je ne les aime que peu ou prou. Une querelle étouffée se déclenche entre une jeune femme parée d’or et d’un rictus exécrable qui fait office de sourire forcé et son affable compagnon dont la tristesse vraisemblable le voile d’une aura vert émeraude. Ils se chamaillent pour des futilités, des vétilles qui font le quotidien et défont le grand lit du fleuve qui coule en assommant nos grains de résistance. Elle fini par laisser s’échapper une larme de circonstance et lui par embrasser son coude. Leurs rires sonores reprennent de plus belle comme revivifiées par quelques colères enfouies. Le temps passe, lentement, douloureusement, dans l’attente de l’objet de tous mes désirs, le désir de tous mes délires. Un autre regard de désespoir lancé promptement au barman et je recommence à scruter les visages, absente, lointaine, m’égarant sur les tumultueux chemins des souvenirs. Il y a dix ans que je le pris pour la première fois, corps et âme, m’enivrant au seul relent de ses effluences, me délectant à satiété de sa compagnie…me perdant à jamais en lui et lui en moi se dissipant. Je me souviens de ces journées léthargiques à l’université à graver son nom sur mes cahiers d’étudiante, sur les écorches des arbres aux nuits de pleine lune, sur les copies d’examens que je ne réussis jamais. Je voulais le marquer au sang dans ma mémoire, au fer dans mon cœur, tel que jamais rien ni personne ne puisse me le faire oublier. Et je ne l’oublie jamais. Quand il n’est pas entre mes mains, il est le roi de toutes mes réflexions, le seigneur incontesté d’une vie toute à son honneur consacrée. J’ai adulé d’autres, beaucoup d’autres, sans jamais vraiment les aimer, les adorer. Après tant d’années, dans ses jupons accrochée, je sais aujourd’hui que je n’aime que lui. Lui, mon verre de Whiskey…
Triptyque du Jardin des délices, aile droite – Prado. Jérôme Bosch.
Voudrais-tu me dévoiler aujourd’hui les secrets de cette longue quête du plaisir, dont tu te proclame maitre incontesté ? Voudrais-tu encore me mener vers le jardin des délices?
Je suis là à attendre, mais pas pour longtemps car l’impatience me ronge…
Je bois tes mots, aspire tes effluves, te renifle comme un chien pour apprécier ta crédibilité, quand tu me dis sournoisement, que j’ai fais le bon choix. Lequel ? Celui-là même de dénigrer un bonheur eternel, mais que seul mon imagination peut apprivoiser, pour quelques plaisirs instantanés baignés dans une marre de vices.
Le bonheur que tu es entrain de prôner est Bon. Bon parce que vrai, palpable et, paradoxalement, rêche. Une sensibilité acérée, s’empreignant de ton être même, ou de ta raison d’être, m’envahit, comme une pestilence, et me rejette par delà ma propre image les traits cachés de mon véritable moi.
Et tu arrive à me convaincre, et j’en perds mes repères d’antan pour me retrouver dans un nouveau monde, celui auquel j’aspirais. Celui où j’ai enfin troqué le bonheur tracé d’avance pour un instant de félicité subite.
A t’écouter, je perds les repères et je m’en réjouis, car je me retrouve en plein dans le mouvant continu, paradoxalement…
Sais-tu que j’abhorre la monotonie des goutes de pluie tapotant inlassablement sur les volets de mes fenêtres ? Je préfère tantôt chanter pour masquer le bruit, tantôt sortir gouter à cette onde salvatrice en risquant une pneumonie. C’est que j’aime le mouvant, le renouveau, les moments instantanés de plaisir qui font pâlir de jalousie la durée chimérique d’un bonheur prescris.
Fais moi revisiter Le temple maintenant, ici même, ou alors laisse moi jouir encore de cet instant de ravissement…quand je ferme les yeux, crie de bonheur et me redis ‘oh, this is hell !’. Laisse-moi en jouir mais ensuite disparais !
Pars donc en laissant derrière toi seulement des promesses vagues d’un retour. Je ne suis guère dupe…je ne te croirais point ! Car vois tu, la surprise du renouveau n’en sera que plus belle.
En attendant, je boirais à ta santé et inhalerais la fumée doucereusement criminelle d’une cigarette en célébrant le culte de l’inattendu. L’inattendue étreinte d’un inconnu, l’inespérée virée dans une contrée inexplorée, la surprise de croiser un vieil ami sur une route déserte…ou peut être bien un sommeil profond suivi d’un réveil insoupçonné dans ton Eden perdu.
En attendant, je te dédierais mes résolutions fortuites d’un ‘nouvel’ an et continuerais à t’appeler Papa…le temps que l’élève puisse enfin dépasser le maitre !