La vendeuse me jetait des regards incendiaires, et mon pauvre grec, pris comme par une épilepsie, convulsait ostensiblement. Je me contentai alors de lui offrir mon sourire le plus angélique en le regardant à travers des paupières mi-closes, avant de lui susurrer : « Je voudrais vous voir à l’œuvre !»
Un plaisir énorme se saisit de moi quand je vis son visage se muer et ses formes devenir de plus en plus manifestes. Il devint tout cramoisi à l’idée que ses bijoux à lui soient aussi visibles que ceux exposés dans les vitrines, mais se contint en répondant :
« Je vous montrerais avec grand plaisir comment j’arrive à amadouer une vulgaire pierre pour faire ressortir son éclat…en faire un bijou. »
Il était tout de même intelligent…à ma grande surprise !
Ses yeux irradiaient un feu exaltant. Il suffirait qu’il me prenne la main pour que je le suive au bout du monde. Je le suivis, à travers les rues de Paris, la foule qui déambulait insouciante, ignorant la boule de feu qui, en lui, se consume et l’envie de voler qui me faisait presque planer.
On a atterrit à l’atelier. Jour de congé. On était seuls, on était beaux et humains.
A peine m’a-t-il dénudée, lui-même étant déjà tout nu, exaltant une force et une puissance telles que j’eu une immense envie de l’assommer avec le plus rude des amours, que je m’exclamais, béate devant tant d’ardeur.
« Je veux vous voir à l’œuvre »
« Maintenant ? Dans cette tenue et en contenant tant de désir ? »
« Pourquoi pas ? Voyons ce que ça pourrait donner sur une pierre fine ! »
Il se mit au travail. Implacable, ses yeux ne quittaient plus sa pierre et ses mains étaient tantôt dures et fermes, tantôt languides et hésitantes. Il maniait la pierre avec tant d’art et de cœur que j’en étais émue. Je voulais subitement devenir pierre moi-même, m’offrir à ses mains, à la chaleur ambiante, fondre et renaitre une autre, plus belle, plus précieuse.
Il fut tellement pris par son minutieux travail qu’il ne remarqua rien…
J’étais déjà loin de l’atelier, sur les bords de la Seine, quand je m’arrêtais enfin pour respirer l’air frais du soir. Un sourire aux les lèvres, des yeux embués de larmes de joie et de contentement et mes doigts qui tremblais en serrant l’aigue-marine, bleue comme mes yeux, comme le bleu des cieux.
Il garda pendant longtemps ce bout de papier chiffonné qu’il trouva à ses pieds, une fois son œuvre finie.
« Mon bel homme, tu m’aurais volé une parcelle de mon cœur à la vue de tes beaux yeux alanguis. Je me saisi du fruit de ton art, ce que tu as de mieux à offrir, car j’en suis sure, tu renfle comme une cheminée et une fois tes yeux fermés tout le charme s’envole.
Continu à manier tes pierres précieuses, et moi à cultiver en mon for intérieur l’image d’une perle qui nait, grandi et s’embelli, dans les fonds de l’océan. »