mardi, mai 27, 2008

La radio de ma mère










Je l’ai découvert au fin fond de la cave, toute poussiéreuse, triste et solitaire.

Mon regard s’est arrêté net, mes gestes et ma respiration.

Elle me priait de l’enlever de cet endroit sombre et humide, de l’emmener au pays des merveilles, là-bas au loin, dans cette chaleureuse chambre fuschia où gisent livres, tableaux et autres petites choses qui habillent mes jours…car, semble-t-il, la misère de la vieillesse serait moins pénible au soleil…

Je fuirais laissant là mon passé
Sans aucun remords
Sans bagage et le cœur libéré
En chantant très fort

Depuis, elle trône sur les petites choses de ma vie, empli mes soirées de berceuses et mes journées de leurs souvenir…elle est là, seule avec moi dans le noir, majestueuse, enchanteresse…mélodieuse.

Meeee and Mrs.Jooooones…

Well, it's time for us to be leaving
It hurts so much, it hurts so much inside
Now she'll go her way and I'll go mine
Tomorrow we'll meet
The same place, the same time

Cette radio qui, jadis, fut la seule distraction de la maison avait perdu sa place privilégiée, dérobée par une chaine Hi-Fi ringarde qui avait la mauvaise manie de filtrer le bruitage et d’émettre un son net, constant, et de qualité…comme ils diiiiiseuuu...

Quel magique moment que celui où on croit enfin trouver la bonne fréquence, après avoir tourné quatre tuners dans tous les sens et appuyé sur deux ou trois boutons écrits en allemand, quand soudain s’interférent Charles Aznavour et H-Kayn…Najat Atabou et Ray Charles…un journaliste indicible et quelques bruits de circonstance…

Je m’attends à chaque instant à entendre Oum Kalthoum chanter Roubaiyate Al Khayam, transformer les couleurs chatoyantes du salon en un reflet dichrome, mon bluejean en jupe plissée et mes cheveux courts en longues nattes….

Excusez le peu de manières, mais je vous quitte et m’en vais de ce pas préparer un thé et me délecter aux sons bizarroïdes et tellement vrais de ma radio…

Non, au fait c’est toujours la radio de ma mère…je l’empreinte pour quelques années et la transmettrais peut être à une autre jeune fille férue de bruits hertziens…

jeudi, mai 22, 2008

Lettre à un ami

Très cher,

J'ai vu hier dans mon rêve un chêne. Il était tout petit. A la fin du songe il avait grandi.

Je me suis réveillée en plein milieu de la nuit en me remémorant cette histoire que nous a racontée la vielle Tamou quand nous étions enfants. T'en souviens-tu ?

Tu souris à cette question, n'est ce pas ?

Je sais, très cher, que ta mémoire est souvent défaillante, souvent fuyante aussi…

Je ne me fais pas prier. Je te raconte…

La vielle Tamou avait pris une longue et bruyante gorgée de son verre de thé à la menthe et avait chuchotée avec sa voix étranglée : « Quand vous serez grands, gracieux et ambitieux, imbus de ce que vous êtes et un brin arrogants, pensez à ce vieux chêne sur la colline…

Il était tout jeune quand on arracha les autres chênes pour construire les bâtisses dont vous apercevez les ruines. Il ne comprit pas pourquoi ne subsistait aucun autre chêne que lui, mais prit aussitôt des airs de grandeur.

Il pensait alors qu'il était le plus beau, le plus majestueux de tous et que c'est bien son magnificence qui lui valut le droit d'exister.

Le chêne commençait alors à mépriser les arbustes autour de lui, projetait ses branches dans tous les sens et faisait de l'ombres aux plus belles roses. Il devenait gourmant de surcroîts. Abusait de la nature, de l'eau du ruisseau, des rayons du soleil, de toutes ces petites plantes parasites qui l'entouraient.

Et il devint seul… »

La suite de l'histoire est un nuage confus de souvenirs. Il y avait des oiseaux, des fermiers, des maçons et un tas d'autres personnages. Je me souviens seulement qu'à la fin du récit, le chêne ne savait toujours pas pourquoi il était le seul chêne sur la colline et ne le saura jamais !

Tu te demande peut être pourquoi je te raconte tout cela ?

Tu me manques et je suis seule sans toi, sans les autres…tous les autres.

Il est vrai que durant des années j'ai fait fi de l'amitié et de nos rires d'enfants. J'ai oublié, ou essayé de le faire, les tendres moments de douce complicité. Je me suis perdue dans les tumultes de la vie et étais submergée par les courants imprévisibles de ses rus.

Hier encore je me projetais dans un avenir prédéterminé, ébauché de toute part. Un futur à la fois limpide et heureux. Entourée de ces personnes que j'ai choisies moi-même chemin faisant. Aucune ne s'était imposée par la force du destin ou l'aléa du hasard. Tout était calculé…

…mais les sourires étaient faux !

Il y avait du faux partout. Dans les regards échangés, dans les adieux et les retrouvailles, dans la rosée même du matin…

Te souviens-tu de Nada ? J'ai envie de la retrouver…

Très cher, n'oublie pas le chêne, viens le voir car il est toujours sur la colline. Toujours beau mais mystérieux. Il t'attend…

N'oublie pas la colline, le vent y joue des symphonies mélancoliques au coucher du soleil et les ruines cachent toujours les trésors de notre enfance.

Ah encore une chose ! Tamou fumait du kif en cachette…

Je te siffle une chanson d'automne dans les oreilles et t'embrasse.

Ton amie.

lundi, mai 12, 2008

Jus de fraise







Je rêve constamment, même assise sur une terrasse d’un café bondé de monde.

Souvent mes rêveries se manifestent en poèmes qui jaillissent de nulle-part, m’emplissent l’âme de mélodies tantôt joyeuses, tantôt mélancoliques, et s’emparent de tous mes sens.

Cela remonte, je pense, à mon enfance, du temps de mes ballades solitaires sur la plage où chaque son, chaque mouvement incongru, même les rais de soleil se faufilant de derrière les nuages pouvaient se transformer subitement en un poème que j’improvisais et récitais rapidement avant qu’il ne s’efface aussi promptement de mon imaginaire.

Mais tout ceci est tellement loin aujourd’hui…ces ballades solitaires.

Pour retrouver cet état, que j’aime à appeler de grâce, il me faut ressentir un sentiment nouveau, saisissant, sortir peut être de mon état de léthargie constant pour retrouver dans un regard échangé une nouvelle étincelle de vie.

Il se fait qu’en ce moment précis, assise dans un café en face de mer, sirotant mon jus de fraise à l’orange, sans sucre, en compagnie d’un inconnu aux yeux doux et au sourire radieux, j’ai comme une envie urgente de composer un poème volatile…


Casablanca, le 4 Mai 2008

 
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